Craignant de perturber leur relation, bien des couples refoulent un certain nombre de questions, pourtant légitimes. Mais la meilleure attitude n’est-elle pas de les poser en toute sérénité? En voici quelques-unes.
1. Epoux au foyer, ai-je le droit de recevoir de l’argent dont je peux disposer librement?
Oui. Le membre du couple qui se consacre à l’éducation des enfants a le droit de recevoir un montant équitable de son conjoint, dont il peut disposer librement (art. 164 du Code civil, CC). Cette somme varie en fonction du niveau du ménage. Elle ne représente pas un salaire, mais dépasse toutefois un simple argent de poche. Elle est prélevée sur les revenus qui subsistent une fois que toutes les charges du ménage ont été payées.
2. Ai-je droit à un salaire si je travaille dans l’entreprise de mon mari?
Si les époux n’ont pas conclu de contrat de travail, l’aide apportée au conjoint indépendant dans le cadre de son entreprise n’est, en principe, pas rémunérée. Mari et femme ont en effet un devoir mutuel d’assistance et de soutien et contribuent, selon leurs facultés, à l’entretien de la famille.
Toutefois, en cas de décès ou de divorce, la loi protège celui qui a collaboré à la profession de son conjoint dans une mesure notablement supérieure à ce qu’exige le devoir d’entretien ordinaire et prévoit à ce titre un droit à une indemnité équitable pour cette collaboration (art. 165 CC). C’est le cas si, par exemple, l’activité du conjoint était telle qu’elle pouvait presque être assimilée à une activité salariée. La situation s’apprécie donc selon les circonstances propres à chaque cas. On examinera notamment la durée de l’aide, la nature et les compétences requises pour l’apporter, de même que son caractère régulier.
Cette indemnité se calcule en fonction de la rémunération usuelle dans la branche. Elle peut être réclamée jusqu’à 10 ans après un décès ou un divorce.
3. Que faire si mon époux «boit» son salaire au bistrot?
Le couple choisit la manière dont les responsabilités sont réparties. Soit deux conjoints travaillent et se partagent les tâches ménagères et d’éducation, soit l’un des deux gagne un revenu, tandis que l’autre s’occupe du foyer. Mais, si l’un d’eux gaspille l’argent nécessaire à l’entretien du couple et de la famille, l’autre s’adressera au tribunal et demandera des mesures protectrices de l’union conjugale. Le juge peut aller jusqu’à faire saisir une part du salaire, afin qu’elle soit versée au conjoint au foyer.
4. Dois-je payer pour les enfants du premier mariage de mon conjoint?
En première ligne, ce sont les parents qui assument l’obligation d’entretien de leur enfant, même si l’un d’eux n’en a pas la garde ou l’autorité parentale. Si le père ou la mère se remarie, il ou elle ne peut faire appel à son nouveau conjoint que s’il ne parvient pas à remplir ses obligations vis-à-vis de son enfant. Le «beau-parent» n’intervient ainsi qu’à titre subsidiaire, et seulement à condition que cette aide ne mette pas en péril sa propre famille.
5. Puis-je cesser de verser une rente à mon ex-épouse qui vit en concubinage?
Un concubinage stable et durable (en principe cinq ans) est effectivement un motif de suppression de la rente de divorce. Mais, depuis l’an 2000, il est aussi possible de suspendre cette rente pour une durée limitée, lorsque la situation du bénéficiaire change considérablement: les conditions à remplir sont dès lors moins strictes que pour la suppression pure et simple. Une relation de concubinage d’une durée inférieure à cinq ans, avec une entraide limitée sur le plan économique, peut en effet suffire à suspendre la rente. Celle-ci sera toutefois rétablie si le concubinage prend fin.
6. Mon défunt mari avait-il le droit de léguer la moitié de sa fortune à sa maîtresse?
Un conjoint peut, par testament, léguer une part de ses biens à une personne qui ne fait pas partie des héritiers légaux, comme un amant ou une maîtresse. Les héritiers en question peuvent toutefois contester le testament devant la justice s’il porte atteinte à leur réserve légale, c’est-à-dire à la part «intouchable» de leur héritage. Ainsi, un homme marié avec enfants ne peut léguer à sa maîtresse que les trois huitièmes de sa fortune, après la liquidation du régime matrimonial. Cette «quotité disponible» atteint la moitié de la fortune si le défunt était marié, mais sans enfants.
7. Dois-je régler les dettes de mon ami? Et si nous étions mariés?
Hors mariage, la situation est claire: chacun est responsable de ses dettes et un partenaire ne peut pas être poursuivi par les créanciers de l’autre. A moins, bien entendu, de s’être préalablement porté garant du paiement de la dette.
Dans le cadre du mariage, les choses se compliquent: les époux répondent de leurs dettes sur leurs propres biens, mais ils sont solidaires dès qu’il s’agit d’une dette contractée par l’autre pour les besoins courants du ménage.
La notion de «besoins courants» dépend du niveau de vie du couple. Elle recouvre dans tous les cas les dépenses de nourriture, de logement, de vêtements usuels et d’assurance maladie de base, mais pas forcément l’envie d’un vêtement de marque ou d’un voyage.
8. Mon ami vient habiter avec moi: doit-il adhérer au contrat de bail?
La liberté contractuelle est la règle. Si un des occupants de l’appartement n’est pas titulaire du bail, il peut y adhérer seulement avec l’accord du bailleur et du locataire en place.
Si le concubin signe le contrat, il devient alors colocataire et aura les mêmes droits et devoirs que l’autre locataire. Il devra donner son autorisation pour toute procédure concernant le bail, y compris pour sa résiliation. Chacun est débiteur de tout le loyer envers le bailleur, mais peut se retourner contre l’autre pour récupérer ce qu’il a payé en trop.
Si le concubin n’est pas titulaire du bail, les occupants de l’appartement peuvent conclure un contrat entre eux qui règle notamment la part que chacun doit payer comme loyer. Le locataire restera seul débiteur envers la gérance, mais a la possibilité de se retourner contre l’autre sur la base de ce document. Le concubin qui n’est pas partie au contrat n’a aucun droit vis-à-vis du bailleur, qui n’est pas lié par ces conventions internes. Seul le mariage offre des protections spéciales sur le logement de famille.
9. N’étant pas mariés, lequel pourra donner son nom de famille à nos enfants?
L’enfant né hors mariage prend le nom de sa mère. Il est certes possible de faire une demande de changement en invoquant un juste motif, mais elle a peu de chances d’aboutir. Les juges ont en effet tendance à estimer que porter le nom de la mère n’est pas préjudiciable à l’enfant.
10. Si mon compagnon venait à décéder, sa famille pourrait-elle récupérer son logement?
Les concubins n’héritent pas l’un de l’autre, à moins qu’ils rédigent un testament. Celui-ci ne doit toutefois pas léser la réserve des héritiers légaux, fixée par la loi, selon le degré de parenté de ces derniers avec le défunt. Les héritiers légaux pourront contester l’attribution de la maison au concubin, si elle lèse leur réserve.
Suzanne Pasquier