L’arrêt du Tribunal fédéral a fait grand bruit l’automne passé: les rétrocessions perçues par les banques dans le cadre de mandats de gestion de fortune reviennent aux clients*. Cette décision, qui fait suite à un recours financé par l’éditeur de Tout Compte Fait et Bon à Savoir, a généré une avalanche de questions de la part de nos lecteurs. Le point sur le sujet, avec Fabien Aepli, avocat associé au sein du cabinet Eversheds à Genève et spécialiste du droit bancaire. L’une de ses publications sur les rétrocessions a été citée à plusieurs reprises par le TF dans son arrêt.
Ma banque refuse d’entrer en matière sur une rétrocession. Elle argue que j’ai avec elle un mandat de conseil et non un mandat de gestion de fortune.
C’est, en effet, la position de principe adoptée par de nombreux établissements bancaires, qui affirment que la décision du Tribunal fédéral porte uniquement sur les mandats de gestion de fortune et non pas sur les relations de conseil. Ils estiment, et c’est aussi l’avis de l’ombudsman des banques, que ces derniers cas de figure doivent être tranchés par la justice.
Fabien Aepli n’est pas de cet avis. Il soutient que, dès le moment où un véritable conseil est donné, il existe une relation de mandat et un risque de conflit d’intérêts – un élément que le TF a considéré comme déterminant dans son arrêt. Le conflit d’intérêts se manifeste par l’incitation du mandataire à recommander des produits en fonction des commissions qui lui seront versées plutôt qu’en fonction du seul intérêt du client. Selon l’avocat genevois, la banque devrait donc également restituer les commissions payées par des tiers dans le cadre de relations de conseil – sauf renonciation valable (lire ci-dessous). En cas de refus persistant et en attendant une jurisprudence claire, il peut être nécessaire d’entamer une procédure judiciaire.
Je souhaitais acheter des fonds de placement. J’ai appelé mon banquier et suivi ses conseils. Ai-je droit à des rétrocessions?
De nouveau, les banques pourraient rétorquer que le TF n’a pas tranché la question des relations de conseil et refuser d’entrer en matière. Mais, là aussi, Fabien Aepli est d’avis que, dès le moment où la banque fournit un véritable conseil, même oralement, il y a une relation de mandat. Dès lors, le principe de la restitution des rétrocessions s’applique. Ce cas de figure présente toutefois un problème de preuve, qu’il faudra apporter si la banque conteste avoir prodigué des conseils.
Ai-je droit à des rétrocessions si mon contrat de gestion de fortune comprend une clause de renonciation?
Une clause ne faisant qu’indiquer le principe de la renonciation ne suffit pas. Fabien Aepli souligne que le client renonce valablement aux rétrocessions seulement s’il est informé de manière à se rendre compte de ce à quoi il renonce.
Comme le rappelle l’ombudsman des banques, le client renonce valablement s’il connaît au moins l’ordre de grandeur des montants prévisibles. Le TF a déjà eu l’occasion de préciser que l’indication d’une fourchette sous forme de pourcentage («de … à …») des avoirs sous gestion est suffisante.
Mais, dans les faits, les opérations financières, et donc les rétrocessions qui en découlent, peuvent être nombreuses et varier considérablement d’un client à l’autre. Si la fourchette ne correspond pas à la réalité, la renonciation n’est pas valable, estime l’avocat genevois.
Puis-je demander à ma banque de me rétrocéder les frais qu’elle m’a facturés dans le cadre de mon mandat de gestion de fortune?
Non, les frais que votre banque facture pour les services qu’elle fournit, par exemple des droits de garde ou des frais de courtage, ne sont pas concernés. Seules les commissions versées par des tiers à la banque en lien avec le mandat, par exemple par la direction d’un fonds de placement à la suite de l’achat et de la détention des parts de ce fonds pour votre compte, doivent être restituées.
De ma propre initiative, j’ai demandé à ma banque d’acheter des produits financiers. Quels sont mes droits?
Il s’agit d’une relation dite d’«execution only» (simple exécution d’ordres). La banque ne vous a pas fourni de conseil, et il n’existe généralement pas de conflit d’intérêts. «Je ne pense pas qu’il y ait un droit à la restitution dans ce cas», conclut Fabien Aepli.
J’ai écrit à ma banque pour obtenir des rétrocessions. Sa réponse ne me satisfait pas. A qui puis-je m’adresser?
A l’ombudsman des banques, si votre demande concerne un mandat de gestion de fortune, et si le cas est simple; cependant, on a vu qu’il est plutôt frileux sur ce dossier. Cette instance d’information et de médiation est gratuite (www.bankingombudsman.ch). Dans les autres cas, il est préférable de s’adresser à un avocat.
Sébastien Sautebin
*Lire «Les banques doivent rembourser les commissions à leurs clients», TCF 11/2012