Lorsqu’il a arrêté sa voiture près d’un policier zurichois, Narcisse Fournier comptait simplement lui demander le chemin du parking de l’aéroport. Mais la conversation a pris une tournure inattendue.
Il s’est mis à crier «Hunde! Hunde! Interdit!» raconte notre lecteur de Haute-Nendaz (VS). Un pandore maîtrisant la langue de Voltaire, appelé à la rescousse, explique alors qu’il est défendu d’avoir des chiens en liberté dans son véhicule, et qu’il faut soit les attacher, soit les mettre dans un box (lire encadré). En partance pour la Thaïlande avec Ho, son épouse, Narcisse Fournier a, en toute innocence, laissé Noon et Maya, leurs deux petites boules de poil de race shitsu, déambuler sur la banquette et la plage arrière. «Je ne voulais pas les mettre dans le box posé sur le siège, car elles allaient être enfermées douze heures dans l’avion», se défend notre lecteur.
1047 fr. à payer
A son retour d’Asie, Narcisse Fournier découvre avec stupéfaction un courrier de la préfecture du district de Bülach (ZH) lui demandant de s’acquitter d’une amende de 450 fr., assortie de 490 fr. de frais. Il est de surcroît convoqué par le Service de la circulation valaisan, qui lui adresse un avertissement et des frais de procédure de 107 fr., portant la facture totale à 1047 fr.! Une addition très salée qui laisse notre lecteur pantois: «Lorsqu’un humain, adulte ou enfant, n’est pas attaché, cela coûte 60 fr., alors que je dois payer plus de 1000 fr. pour deux chiens de six kilos!»
Cette différence surprenante s’explique en partie par le fait que, lorsque le conducteur ou un passager ne porte pas de ceinture, le montant à payer (60 fr.) est clairement fixé dans la liste des amendes d’ordre. En revanche, le droit de la circulation ne contient aucune disposition concernant le transport d’animaux domestiques en voiture. «En conséquence, ce sont les règles sur le chargement des véhicules qui s’appliquent, en particulier l’art. 30 al. 2 LCR selon lequel le chargement doit être disposé de telle manière à ce qu’il ne mette en danger ni ne gêne personne», explique Christian Buffat, procureur au Ministère public central vaudois.
Une violation de cette disposition est passible de l’amende, pour autant qu’un rapport de police soit établi. A moins qu’elle ne décide de classer la procédure, l’autorité compétente doit alors fixer le montant à régler au cas par cas, en se référant au cadre légal et à d’éventuels barèmes cantonaux.
Chien plus dangereux qu’un enfant
Quelle mouche a piqué la Préfecture de Bülach pour infliger une telle prune? Cette dernière a refusé de s’exprimer sur le cas précis de notre lecteur, se bornant à indiquer que «le calcul d’une amende prend en compte tous les facteurs. Quant aux frais, ils ont été fixés par le Conseil d’Etat de Zurich.»
De manière informelle, plusieurs interlocuteurs, au sein des préfectures, services de police et de contravention romands, concèdent qu’une différence de tarifs aussi importante entre humains et chiens est difficilement justifiable. L’Office fédéral des routes (Ofrou) estime toutefois que le danger n’est pas le même: «Le comportement des animaux non sécurisés à l’intérieur d’un véhicule est imprévisible. Par rapport à un enfant sans ceinture, on considère qu’il représente un risque supérieur pour le conducteur et, par conséquent, pour les autres usagers de la route.»
Zurich semble néanmoins avoir fait preuve d’un certain zèle. Un rapide coup de sonde auprès de plusieurs préfectures vaudoises a révélé qu’elles n’ont pas amendé de conducteur pour des chiens non attachés, ces dernières années, révèle Christian Buffat. A Genève, seuls deux cas ont été signalés depuis 2013. L’affaire la plus récente n’a pas encore fait l’objet d’une décision. L’infraction en tant que telle n’existe pas dans le nouveau barème de contraventions genevois, mais elle pourrait être sanctionnée par le code A05.H. – «conduire sans veiller à ne pas être gêné ni par le chargement ni d’une autre manière (…)». L’amende est fixée à 320 fr., auxquels s’ajoutent 200 fr. de frais. Cela reste élevé mais tout de même près de deux fois moins cher que la facture adressée à Narcisse Fournier.
Sébastien Sautebin
En pratique
Un box pour « Médor »
Un crash-test effectué par l’ADAC, le cousin allemand du TCS, a montré qu’un canidé non attaché peut provoquer de graves blessures lors d’une collision. A une vitesse de 50 km/h, un mannequin chien de 22 kg se trouvant sur la plage arrière percutera l’appuie-tête et le dossier du siège du conducteur avec une masse équivalente à 25 fois son propre corps. Parmi les différents systèmes de protection possibles pour garantir sa sécurité et éviter d’être amendé, le TCS recommande de recourir à des box bien arrimés, grillagés ou transportables. «Le conducteur ne peut pas être importuné, tandis que le chien dispose d’un espace clairement délimité et ne risque pas d’être projeté dans l’habitacle en cas d’accident ou de freinage intempestif», précise le club automobile.