Dans l’élevage bio de Walter Husy en Argovie, les cochons peuvent sortir à l’air libre quand ils le souhaitent. Ils ont un espace pour fouiller et gratter le sol, tout comme un bassin pour se rafraîchir. Ces porcs vivent dans les conditions que prévoit d’introduire l’initiative contre l’élevage intensif avec une période de transition de vingt-cinq ans.
Les élevages conventionnels ont une tout autre allure. Les porcs ont un tiers moins de place à disposition. La moitié d’entre eux passe les 180 jours que compte leur vie à l’intérieur. Un tiers vit sans litière, à même le béton. Ils restent souvent couchés, sans bouger. Le seul changement de rythme est le moment où ils sont nourris, soit généralement deux fois une demi-heure par jour. Pour être rentable, un porc conventionnel grossit de près d’un kilo par jour.
Dans ces conditions, le bien-être animal reste en rade. Preuve en est le phénomène du «cannibalisme de la queue» ou caudophagie. Les porcs mordent la queue de leurs congénères, ce qui provoque des lésions. Selon l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (Fibl), le risque de caudophagie est plus élevé lorsque les porcs n’ont pas accès à des objets pour s’occuper et qu’il n’y a pas de litière. «Les porcs doivent pouvoir exprimer leurs comportements innés, à savoir explorer et chercher de la nourriture.»
La caudophagie est répandue dans les élevages suisses. Une étude de l’Université de Berne, parue en avril dernier, montre que, sur 200 000 porcs examinés, un sur trois arrive à l’abattoir avec une queue blessée. «D’un point de vue vétérinaire, l’ampleur de la caudophagie chez les porcs suisses est inacceptable», estime Heiko Nathues, professeur de médecine porcine et co-auteur de l’étude.
Plus de cent condamnations
Les conditions sont parfois si désastreuses qu’elles font l’objet d’une condamnation en justice pour mauvais traitements. Bon à Savoir a connaissance de 118 cas documentés. Une procédure dans le canton de Lucerne fait état de 23 porcs présentant des morsures, dont six qui avaient des queues ensanglantées et même coupées. L’éleveur a été condamné à une amende de 1000 fr.
La Confédération, les éleveurs et les chercheurs ont formé un groupe de travail consacré à ce problème. Les défenseurs des animaux se montrent critiques, jugeant le processus pas assez concret. Ils misent sur l’initiative contre l’élevage intensif, sur laquelle le peuple suisse vote le 25 septembre. «Les porcs seraient parmi les grands gagnants de cette initiative», explique la Fondation Tier im Recht. Le bien-être animal est particulièrement bafoué dans les élevages porcins. «Il faudrait appeler cela de la maltraitance animale légalisée.»
Contactée, l’Union suisse des paysans dit que les motifs qui provoquent la caudophagie ne sont pas clairement déterminés. Elle reconnaît aussi que, si l’initiative passe la rampe, 95% des exploitations d’élevage et 50% des exploitations d’engraissement devraient transformer leurs installations.
Walter Husy, lui, a pu faire les transformations grâce au financement d’une fondation. Son exploitation est non seulement respectueuse des animaux, mais aussi rentable. Une partie de sa viande se trouve dans les rayons de Coop et de Migros. L’éleveur vend le reste directement aux particuliers.
Daniel Mennig / sp
Ce que demande l’initiative
L’initiative contre l’élevage intensif veut ancrer dans la Constitution la protection de la dignité des animaux. Elle demande une interdiction des élevages intensifs. Les élevages devraient être, au minimum, conformes aux directives de Bio-Suisse de 2018. Concrètement, cela prévoit :
- Plus de place pour les animaux. Pour les porcs: 1,65 m2 au lieu de 0,9 m2 par animal.
- Des groupes plus petits.
- Litière pour tous les animaux. Aujourd’hui, 30% des porcs vivent sur des sols de béton nus.
- Davantage de matériel pour occuper les animaux.
- Accès à l’air libre pour tous les animaux.
- Les importations ne sont autorisées que si la viande a été produite selon les mêmes exigences qu’en Suisse.
Le délai de transition prévu est de vingt-cinq ans.