Lorsqu’il y a un retard dans le paiement d’une dette, le créancier est en droit de demander une compensation financière si cela lui cause un dommage. C’est ce que prévoit l’article 106 du Code des obligations. Sur cette base, les sociétés de recouvrement s’en donnent à cœur joie: elles tentent par tous les moyens de réclamer le maximum possible aux personnes endettées.
Dans les faits, il n’existe pas de loi qui interdit aux sociétés de recouvrement d’ajouter des frais supplémentaires. Le Tribunal fédéral ne s’est pas non plus prononcé précisément sur la question. Il est donc difficile de dégager des principes clairs qui régissent cette pratique douteuse. Ce constat a poussé le sénateur Raphaël Comte (PLR/NE) à déposer, le 15 juin 2012, un postulat intitulé «Encadrement des maisons de recouvrement». Sur cette base, le Conseil fédéral a sorti un rapport qui précise notamment les situations où des frais peuvent être mis à la charge du débiteur, selon l’art. 106 CO.
Nous avons tenté de tirer quelques principes généraux qui encadrent les agissements contestables de ces sociétés.
1. La loi estime que le créancier qui veut réclamer un montant supplémentaire pour des dommages sous le couvert de l’article 106 CO, doit impérativement établir l’étendue de ceux-ci, preuves à l’appui. Cette condition fait souvent défaut pour les demandes en paiement des sociétés de recouvrement. S’il n’y a pas de preuve du dommage, il n’y a donc aucune raison de payer de tels frais.
2. La société qui réclame un dommage doit prouver que celui-ci est supérieur à l’intérêt moratoire légal – perçu en cas de retard de paiement – de 5% par an.
3. Une société qui réclame de l’argent ne peut pas ajouter à la fois les intérêts moratoires et les dommages selon l’article 106 CO. C’est soit les uns, soit les autres.
4. Il faut, en outre, que le créancier qui réclame le paiement de la dette prouve que c’est précisément en raison du non-paiement qu’il a subi un dommage (lien de causalité). Si ce dernier n’a rien à voir avec le retard de paiement, ces frais supplémentaires ne sont pas dus.
5. Il arrive que la société de recouvrement rachète la dette au créancier initial. Cela veut dire qu’elle se substitue entièrement à celui-ci. Dans ce cas, elle devient créancière principale et ne peut ajouter des frais pour dommage dans le but de récupérer sa propre créance.
6. En règle générale, lorsque le créancier principal est une personne morale (société, entreprise, etc.), il n’a pas forcément besoin d’une maison extérieure pour encaisser une créance. Aussi, les frais réclamés par la société de recouvrement ne sont pas dus.
7. Le créancier a l’obligation de limiter le dommage. Il ne peut donc pas rajouter des frais inutiles (recherche de solvabilité, etc.).
8. Les procédures menées devant les Offices des poursuites et faillites (commandement de payer, requête de mainlevée, etc.) ne justifient par la prétention d’honoraires pour la société de recouvrement. Car, conformément à l’article 27 al. 3 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP), «les frais de représentation ne peuvent être mis à la charge du débiteur» dans la procédure de poursuite. La société de recouvrement qui se contente d’envoyer un commandement de payer et de requérir la continuation de la poursuite ne peut pas rajouter de frais supplémentaires pour son travail.
9. En général, le recouvrement avant poursuite (courriers, rappels etc.) peut également se dérouler sans l’aide d’une maison spécialisée. Là encore, aucuns frais ne devraient être imputés au débiteur si la représentation par un tiers n’était pas nécessaire.
Pour savoir comment réagir face à une facture ou à une dette, consulter notre outil : Factures, poursuites: que faire?
Sophie-Emilia Steinauer