Acheter local et de saison, miser sur des circuits courts? La tâche est moins facile pour les fleurs coupées que pour les fruits et les légumes. En France, les fleuristes se sont engagés à signaler, dès le mois de juin, l’origine des fleurs. En Suisse, chacun fait comme il veut. Au consommateur de se renseigner, s’il veut privilégier la production indigène.
Sous nos latitudes, c’est à la belle saison que la production locale est la plus importante même si le marché suisse reste dominé par les importations, tout au long de l’année. Près de 95% des fleurs coupées vendues viennent de l’étranger. Mais, à partir de mai et juin, les variétés locales s’épanouissent largement.
La production indigène constitue plus de 20% du marché, entre la mi-juin à la mi-septembre, selon les statistiques 2021 de la Centrale Suisse de la culture maraîchère et des cultures spéciales. Une fleuriste genevoise nous a confié composer jusqu’à 30% de son assortiment à partir de fleurs locales durant l’été.
Repérer les labels
Roses, freesia, anémones, renoncules, tournesols, pivoines… Comment savoir si elles ont poussé en Suisse? Les revendeurs ne sont pas tenus de signaler leur provenance. On repère parfois un petit drapeau suisse, l’indication «Suisse garantie» ou un label régional, mais cette démarche est loin d’être systématique. Dans le doute, c’est au consommateur de glaner des renseignements.
Le marchand en ligne Fleurop estampille les bouquets de fleurs locales d’une vignette «Fleurs suisses». En grandes surfaces, la pratique varie. Lors de notre passage dans une enseigne Aldi, aucun bouquet ne mentionnait l’origine des fleurs. Interrogées, Coop et Migros, affirment que la provenance est systématiquement présente sur l’étiquette de leurs produits. Les deux grands distributeurs, en revanche, ne précisent pas la proportion de fleurs coupées suisses qu’ils écoulent en été. «Si une offre régionale existe, elle sera proposée», assure Migros.
Quand elles ne sont pas suisses, les fleurs coupées proviennent très souvent des Pays-Bas, plaque tournante de ce commerce où se concentre la production intensive hollandaise et où transitent des fleurs du monde entier. Des plantes cultivées en Afrique de l’Est ou en Amérique du Sud que l’on retrouve aussi en Suisse, aux côtés de variétés produites en France ou en Italie.
Prix volatiles
A la Bourse aux fleurs RomandieFlor, à Denges (VD), où les fleuristes viennent s’approvisionner, la responsable Rachel Fluhmann réserve un coin aux fleurs du pays. Certains revendeurs spécialisés valorisent la production locale, mais celle-ci reste de toute façon trop faible pour satisfaire la demande. C’est encore plus vrai depuis la libéralisation du marché, ces dernières années et la chute du nombre de producteurs suisses.
Difficile pour les fleurs suisses de rester concurrentielles en termes de prix. Comme le rappelle Thomas Meier, directeur de la faîtière des fleuristes suisses, florist.ch, les fleurs coupées sont négociées en bourse et l’évolution des prix est très volatile. «Les coûts de transport et d’énergie ont fortement augmenté pour les fleurs coupées importées par rapport à la marchandise en provenance de Suisse. La situation monétaire joue aussi un rôle. Actuellement, les prix des fleurs coupées suisses sont à nouveau un peu plus avantageux, ce qui est une bonne nouvelle, dans une optique de durabilité.»
Conseil: pour profiter de produits locaux et de prix avantageux, reste la possibilité de se tourner vers les fleurs en auto-cueillette. Une liste de ces exploitations est disponible sur le site cueillette.ch, avec plusieurs adresses pour les cantons de Vaud et de Fribourg, en Suisse romande.
Geneviève Comby
Des pesticides à tout va
La culture des fleurs est gourmande en pesticides. Certains produits phytosanitaires sont interdits en Europe. Ce qui ne veut pas dire que les fleurs vendues en sont exemptes. Beaucoup viennent de pays extra-européens dont les législations en la matière sont plus souples.
L’automne dernier, l’émission de la RTS A Bon Entendeur a testé onze bouquets de fleurs achetés dans des magasins et des stations-service de Suisse romande. Dix contenaient des pesticides et neuf des pesticides non autorisés en Europe. Un bouquet contenait, à lui seul, des résidus de trente-huit pesticides différents. Plusieurs assortiments floraux estampillés Max Havelaar Faire Trade affichaient des pesticides. Le label s’était alors engagé à revoir ses pratiques.
En fin de compte, un seul des onze bouquets ne contenait aucun pesticide. Il s’agissait de fleurs suisses en culture bio, vendues chez Coop. Selon Bio Suisse, la plupart des entreprises horticoles bio sont des «micro-entreprises». Celles qui produisent des fleurs coupées se comptent sur les doigts d’une main. Il s’agit donc, pour l’instant, d’un tout petit segment d’un marché de niche.