Un cathéter d’électrophysiologie, c’est un fil isolé d’environ 80 cm de long, servant au diagnostic et au traitement de certains problèmes cardiaques. Son coût est élevé: 1500 fr./pièce. Le CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) l’utilise pour quelque 120 traitements et 250 examens médicaux chaque année.
Jusqu’au mois de juin dernier, les plateaux pour cathétérisation veineuse centrale étaient réutilisés, bien que l’emballage spécifie qu’il faut les détruire après usage: «Il est grotesque de jeter ce genre d’appareils après une seule utilisation, commente Martin Frommer, médecin chef en cardiologie au CHUV et président du Groupe de travail suisse d’électrophysiologie. Ils peuvent être nettoyés, stérilisés et préparés pour une réutilisation sans aucun problème.»
Tous les hôpitaux réutilisaient ce genre de matériel, tout comme des pinces à endoscopie, des sondes laser et autres dispositifs médicaux dont l’emballage avait été ouvert par erreur. Mais depuis le 1er juin, à cause de l’entrée en vigueur de la nouvelle Ordonnance sur les dispositifs médicaux (ODim), tout doit passer à la poubelle après emploi unique.
L’ODim règle entre autres la stérilisation de produits médicaux usagés. Elle stipule, par exemple, que les cathéters, conçus comme jetables, ne peuvent entrer dans une salle d’opération que s’ils portent le signe CE (conformité établie), signifiant qu’il s’agit de matériel neuf ou retraité après utilisation selon les lignes directrices CE. Ce sigle, reconnu dans toute l’Europe, garantit le respect d’un minimum de conditions.
100 millions par an
Fini donc ce recyclage qui permettait pourtant l’économie de deux tiers (!) du budget prévu au poste du matériel. Rien que dans le service du Dr Frommer, cela représentait un total de 4 millions de francs par an. Et l’on estime que les cinq hôpitaux universitaires helvétiques économisaient ainsi au total 20 à 30 millions par année. Si l’on y ajoute les autres hôpitaux du pays, on arrive à quelque 100 millions de dépenses en moins par an, selon Andreas F. Widmer, médecin chef au service d’hygiène hospitalière de l’Hôpital cantonal de Bâle.
Réutilisé outre-Rhin
Ailleurs, en Allemagne par exemple, le matériel recyclé n’a pas besoin de la mention CE pour être réutilisable. C’est ainsi que toujours plus d’hôpitaux allemands font partie de la clientèle de Remed GmbH à Friedeburg, qui nettoie et stérilise ces appareils dans les règles de l’art pour ensuite les renvoyer aux hôpitaux. Les livraisons de Suisse, effectuées jusqu’en juin par Repromed SA à Fribourg, qui récoltait le matériel usagé dans les hôpitaux, se sont en revanche arrêtées depuis plus de trois mois.
A l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), on explique que la nouvelle ordonnance apporte pour la première fois la garantie d’un niveau de qualité minimum des instruments médicaux. Le recyclage, estime Berne, pourrait constituer un problème si le fabricant transformait son produit de manière non apparente pour celui qui le recycle: «Il y aurait alors un risque que le matériel nettoyé ne remplisse pas les mêmes critères de qualité que du neuf», estime Markus Zobrist, inspecteur au service Dispositifs médicaux de l’OFSP.
Une solution au gaspillage serait que les fabricants acceptent d’en faire du matériel réutilisable. Mais pour eux, c’est le chiffre d’affaires qui compte. Et celui-ci est notablement gonflé par les ventes de ces
produits jetables. Cela même s’ils sont d’ores et déjà conçus pour être utilisés à plus d’une reprise, comme le démontre l’exemple américain: outre-Atlantique, le Ministère de la santé a en effet obligé l’industrie à vendre des filtres à dialyse réutilisables, auparavant à emploi unique.
Le Dr Widmer critique le fait que les autorités «visent apparemment le risque zéro, qui, à moyen terme, pourra de moins en moins être financé».
D’ailleurs, ni l’OFSP ni la société Remed ont connaissance de dommages dus à des cathéters recyclés, bien que cela soit prévu: l’entreprise allemande s’est assurée à hauteur de 10 millions de marks par sinistre pour l’éventualité d’un tel dommage.