Il fut un temps où les pères de famille soucieux de faire fructifier leur patrimoine achetaient, en toute bonne conscience, quelques obligations et actions suisses. Un bouquet de UBS ou de Credit Suisse (CS), un soupçon de Novartis ou de Roche, une pincée de Nestlé, une pointe de Swissair, et le tour était joué.
La dernière décennie, sans parler des derniers mois, a montré les limites de cette stratégie. Les actions Swissair ont aujourd’hui disparu des corbeilles et le SMI joue aux montagnes russes. Hors des frontières, la crise de l’euro donne des sueurs froides à tous les traders.
Personne ne sort indemne d’un crash boursier: chacun élaborera donc sa stratégie selon son profil de risque (lire encadré). Pour le petit investisseur, l’art consiste ensuite à diversifier son portefeuille pour que, si un secteur boit la tasse, il garde la tête hors de l’eau grâce aux autres valeurs.
Tout prêt
L’époque étant, à la Bourse comme aux fourneaux, à la mode du précuisiné, les banques proposent actuellement des fonds de placement généralistes. Ces produits offrent, comme les poudres de curry prêtes à l’emploi, un portefeuille adapté aux goûts (du risque) de chacun.
La proposition est alléchante, d’autant plus qu’il est impossible, pour les amateurs, d’arriver à un tel niveau de diversification. Dans ce type de fonds, les dix positions principales ne dépassent pas 2% du capital placé, un panachage qui ne peut être réalisé individuellement, sous peine de voir le rendement disparaître dans les frais de courtage.
«Pour un capital jusqu’à 300 000 fr., et même au-delà, nous conseillons à nos clients de placer entre 60% et 70% de leur fortune dans ce type de fonds», explique Michel Albieri, responsable de vente pour la clientèle privée à CS. L’investisseur est ensuite accompagné pour gérer le reste en fonction du marché et de ses convictions.
Fait maison
Mais comment, précisément, placer le reste? Et quels produits choisir si on tient à gérer soi-même la totalité de sa fortune? Bien malin qui trouvera la recette. Comme le montre la courbe des indices, ces dernières semaines, même les modèles de calcul professionnels n’évitent pas les pertes!
Si l’amateur ne peut rivaliser avec ces derniers, il s’en inspirera. Pour élaborer nos recettes, nous avons donc dégusté les plats prémitonnés, pour chaque profil de risque, par trois banques: Credit Suisse, la Banque Cantonale Vaudoise (BCV) et la Banque Cantonale Bernoise (BCBE). Tous ces produits comportent une part, variant entre 1% et 19% selon les cas, de placements non précisés.
Plus c’est loin, plus c’est sport
- Conservateur: la grande partie (entre 61% et 67%) est composée d’obligations, avec un petit quart (entre 20% et 25%) d’actions. Le reste est composé de placements alternatifs ou de liquidités.
Dans les trois portefeuilles «sûrs» proposés, les deux tiers sont investis en Suisse, tous titres confondus. Une prudence compréhensible dans le contexte économique et monétaire actuel. L’exposition à l’euro varie entre 6% et 9%, les titres américains occupent entre 6% et 10%. Les marchés émergents plafonnent à 4% et l’Asie, Japon compris, à 5%.
- Equilibré: dans ce type de portefeuille, actions et obligations s’équilibrent à peu près entre 40% et 45%, le reste étant consacré aux placements alternatifs ou gardé en liquidités. Seul Credit Suisse limite les obligations à 34%. La répartition géographique est majoritairement suisse (entre 43% et 64%), un peu européenne (entre 6,5% et 22%), avec une ouverture au marché américain (entre 11% et 13%), à l’Asie (6%) ou aux marchés émergents (10% chez CS).
- Dynamique: pour les clients prêts à prendre des risques, les recettes varient davantage, les obligations constituant une minorité (entre 12% et 30%) et la part des actions grimpant entre 60% et 68%. On notera que les placements alternatifs restent modestes (entre 8% et 9%), voire inexistants à la BCV.
La part des valeurs suisses varie pour ce profil entre 26% et 45%, celle des titres européens entre 20% et 29%, et celle de l’Amérique du Nord entre 16% et 18%. Les banques cantonales misent entre 7% et 8% sur l’Asie et le Japon, Credit Suisse 6% seulement (sans Japon), mais investit alors 10% dans les marchés émergents.
Il est piquant de constater que, finalement, les professionnels suivent de près les conseils donnés aux petits investisseurs, leurs proportions étant largement similaires (voir graphique)!
Complémentaires
Il ne suffit toutefois pas d’acheter des titres du monde entier pour limiter les risques, il faut encore que les secteurs choisis soient complémentaires. Dans les pays occidentaux, on distingue ainsi:
- Les titres défensifs, plus résistants aux tourmentes, mais qui montent moins vite lorsque l’économie reprend (alimentaire ou industrie d’armement). Le pharma se classe dans cette catégorie, mais affronte actuellement ses propres turbulences.
- Les titres cycliques qui progressent quand tout va bien (banques, assurances, industries automobile et lourde, haute technologie et matières premières).
Dans un portefeuille conservateur, on mettra davantage d’actions défensives (15%) que de cycliques (10%).
Les titres des pays émergents obéissent enfin à d’autres mécanismes. Ils sont, en effet, étroitement liés aux matières premières (ressources minières) qui structurent leurs économies. Utilisés avec modération, car volatils, ils compenseront les risques des pays industrialisés.
L’or et les fonds immobiliers, en revanche, vivent leur propre vie: ils ont donc leur place, mais à petite dose (entre 5% et 10% au maximum), dans chaque portefeuille.
Claire Houriet Rime
Pour télécharger le graphique, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
Prudence ou audace
Chaque investisseur adaptera sa stratégie d’allocation selon quatre critères.
- Capacité à assumer des risques – Les besoins annuels du ménage dépendent-ils du rendement des placements ou ceux-ci visent-ils à assurer des revenus à long terme? Plus on est aisé, plus on peut prendre de risques.
- Rendement recherché – Désire-t-on un rendement moyen, voire modeste, mais stable (conservateur) ou veut-on gagner vite beaucoup d’argent, quitte à en perdre (dynamique)?
- Horizon de placement – Le capital doit-il être disponible à court terme (conservateur) ou peut-il être bloqué longtemps (dynamique)?
Les réponses à ces questions déterminent le niveau de risque, qui se répartit grossièrement en trois catégories (voir graphique), ce qui permet de choisir ensuite le type de placements (pourcentages indicatifs).
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