Le peuple a-t-il toujours raison? Nous n’aurons pas la prétention de répondre. En revanche, une chose est sûre: il a eu le dernier mot, et c’est tout ce que nous souhaitions. Voilà en effet treize ans que nous donnons, chaque mois, à nos lecteurs, les informations utiles pour qu’ils jouent au mieux leur rôle de consommateur actif. Or, dans le cadre de cette nouvelle révision de la prévoyance professionnelle, nous avons craint que – une fois encore – le Parlement prenne une décision capitale et irréversible, sans même demander l’avis des assurés. Voilà pourquoi nous avons initié et soutenu un référendum, une décision que 70 000 lecteurs romands et alémaniques ont approuvée en signant les listes imprimées dans nos magazines.
Que le peuple, en plus, ait suivi notre raisonnement et refusé une deuxième baisse des rentes issues du 2e pilier semble logique. Il démontre ainsi son bon sens: pourquoi aurait-il pris, aujourd’hui, une décision irréversible qui devait entrer en vigueur en 2016, alors qu’il est tout à fait possible, au cas où la situation l’exige, de prendre les mesures nécessaires plus tard pour cette même échéance?
Les travaux à mettre en route
Reste que le financement des rentes du 2e pilier est avant tout une affaire de prévisions. Nous l’avons dit et écrit: celles des partisans de la baisse étaient – en l’état – abusivement alarmistes, campagne et intérêts (des assureurs surtout) obligent. Mais nous ne l’avons pas caché non plus: nul ne sait – aujourd’hui, en mars 2010 – comment les marchés boursiers vont évoluer, ni jusqu’où ira le prolongement de la durée de vie des retraités. Dans trois ans, avec des données nettement mieux documentées qu’actuellement, le Conseil fédéral devra peut-être faire de nouvelles propositions au Parlement.
Questions de fond
Il serait toutefois bien avisé de répondre immédiatement à quelques questions de fond. Notamment en revoyant le corset légal qui règle les possibilités de placements. Depuis 2005, le Parlement a en effet admis que 15% du capital peut être placé dans des produits «alternatifs», et donc dangereux. Il aurait été plus avisé d’étudier comment laisser la marge nécessaire, tant aux caisses autonomes qu’aux assureurs, afin qu’ils ne soient pas obligés de vendre précipitamment (et donc au plus mauvais moment) leur modeste part d’actions, puis, une fois la crise passée, de les racheter avec un tel retard qu’ils les paient beaucoup trop cher.
De même, il faudrait mettre tout le monde sur un pied d’égalité, ce qui exige que les assureurs ne puissent plus – à l’instar des autres caisses de pension – bénéficier de la quote-part légale leur permettant de conserver 10% des rendements sur le capital: les frais de gestion sont largement suffisants pour rémunérer leur travail.
Enfin, il est urgent d’établir une table de longévité crédible, établissant une moyenne de la durée de vie après la retraite incluant toutes les classes de risque. Elle devrait être établie par l’Office fédéral des assurances sociales, avec les données que les caisses auront l’obligation de lui fournir et qu’il pourra contrôler.
Si tout cela ne suffit pas et que la situation exige quand même de nouvelles mesures d’ici à trois, voire cinq ans, la baisse du taux de conversion n’est pas la seule solution. La Constitution précise en effet que le financement de la prévoyance professionnelle doit être paritaire. Or, en baissant le seul taux de conversion, l’intégralité de l’effort est demandé aux salariés. C’est évidemment plus simple que d’affronter le lobby économique, mais aussi très injuste.
En cas de besoin, il serait donc bienvenu de demander aux assurés s’ils ne préfèrent pas une légère hausse des cotisations plutôt qu’une baisse de leurs futures rentes. Nous avons fait le calcul: en augmentant les prélèvements de 0,8% (0,4% pour chaque partie), cela revient au même que de baisser le taux de conversion de 6,8 à 6,4%. Pour un salaire moyen de 5000 fr., cela représente une ponction mensuelle de 20 fr., au lieu d’une baisse de 100 fr. des futures rentes.
Christian Chevrolet
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