Le miel est réputé être un produit naturel par excellence. Et les consommateurs l’apprécient tant sur leurs tartines que mélangé aux biscuits et autres pâtisseries, ou à l’heure des frimas d’automne pour soigner les premiers refroidissements.
Pourtant, il peut contenir des substances moins saines, tels des antibiotiques et des pesticides. Et hélas, au cours des dernières années, un certain nombre de contrôles ont montré que les apiculteurs avaient tendance à en abuser.
L’émission A bon entendeur (TSR1) et Bon à Savoir ont voulu savoir si producteurs et industriels avaient amélioré leurs pratiques. Nous avons donc fait analyser 26 miels, suisses et étrangers, vendus en grandes surfaces dans une large gamme de prix, par le Service de protection de la consommation de Genève. Le chimiste cantonal y a recherché la présence de pesticides et d’antibiotiques.
Net progrès
Le résultat est plutôt réjouissant, puisque le laboratoire n’a décelé aucune trace d’antibiotiques dans les échantillons (voir tableau et encadré). «La situation est nettement meilleure qu’avant, se réjouit Patrick Edder, adjoint du chimiste cantonal genevois. Il semble que les multiples contrôles qui ont été effectués ces dernières années portent enfin leurs fruits!»
Moins positif, le résultat des recherches en pesticides: trois miels (voir tableau ci-dessous), dont deux produits étrangers vendus par Carrefour, mais aussi du miel suisse proposé par Coop, contenaient des traces de carbendazim, un fongicide largement utilisé par les agriculteurs et les viticulteurs. «Ces traces, en dessous de la valeur de tolérance, peuvent donc provenir de l’environnement», commente M. Edder.
Miel bio hors norme
Bien moins compréhensible, la teneur élevée en bromopropylate, un acaricide, détecté dans un échantillon de miel biologique autrichien: 1,01 mg/kg, alors que la valeur de tolérance est de 0,1 mg/kg!
Patrick Edder n’arrive en effet pas à expliquer ce résultat: «Les apiculteurs bio ont le droit d’utiliser des médicaments vétérinaires s’ils sont prescrits par un vétérinaire, mais même dans ce cas, on n’aurait pas des valeurs pareilles». Quant au fabricant, il assure n’avoir pas eu recours à de tels produits depuis le début de ses activités, il y a 25 ans.
Sans attendre d’explications, les responsables de Globus ont retiré ce produit de la vente lorsqu’ils ont pris connaissance de nos résultats. Le distributeur veut aussi renforcer les contrôles dans cette catégorie de produits.
Mais pourquoi donc peut-on trouver des antibiotiques et des pesticides dans le miel?
> Pourquoi des antibiotiques
Les antibiotiques sont notamment utilisés pour lutter contre la loque américaine, une maladie due à une bactérie très résistante. Or, expérience faite, il est difficile de s’en débarrasser avec des antibiotiques. De plus, les bactéries devenaient résistantes à certains de ces médicaments. C’est pourquoi la Suisse et l’Union européenne en ont interdit l’usage, d’autant qu’il existe d’autres traitements plus efficaces.
Mais ailleurs, en Amérique du Nord et dans des pays exportateurs importants tels que l’Amérique centrale et du Sud, on les utilise toujours pour lutter contre certaines maladies ou pour augmenter la productivité des ruches. Comme la Suisse importe quelque 6000 tonnes de miel par an, elle a fixé des valeurs de tolérance pour les antibiotiques. Ce n’est que si un miel dépasse ces limites qu’il ne peut pas être vendu et doit être retiré du marché.
> Pourquoi des pesticides
Les ruches se trouvant en plein air, les abeilles peuvent aller butiner où bon leur semble.Donc aussi dans des champs traités avec des pesticides qu’elles ramènent ensuite dans les ruches.
Par ailleurs, dans d’autres contrées, les apiculteurs utilisent des pesticides, notamment contre la varroa, un acarien parasite de l’abeille. En Suisse, bien que toutes les ruches en soient infectées et doivent être traitées chaque année, il est interdit de recourir à ces produits. Sauf à titre exceptionnel et sur ordonnance, si c’est le seul moyen de sauver des colonies d’abeilles. Et dans ce cas, les abeilles traitées doivent être placées dans des ruches d’isolement, où toute la cire doit être remplacée. Tout est donc prévu pour éviter une contamination directe du miel par des pesticides.
Tests européens alarmants
Euroconsumers, réunissant les organisations de consommateurs belge, britannique, espagnole, italienne et portugaise, viennent également de faire analyser des miels. Ils y ont recherché divers antibiotiques, et un antibiotique particulier, du chloramphénicol dans des gelées royales (n.d.l.r. la nourriture que reçoivent tous les œufs du nid à couvain pendant les trois premiers jours.)
Les résultats sont moins réjouissants qu’en Suisse, puisque sur les 102 échantillons analysés, 19 (soit 18,5%) ont été testés positifs, car ils contenaient des traces ou des résidus d’antibiotiques. Malgré tout, la situation s’est améliorée par rapport à 2003, où des analyses similaires avaient révélé 42,5% de miels contenant des antibiotiques!
Les résultats sont bien plus alarmants pour les gelées royales: 12 des 28 échantillons (43%!) contenaient des résidus de chlormaphénicol: 7 en Espagne, 4 en Italie et 1 au Portugal. Or ce puissant antibiotique est interdit d’utilisation chez les animaux producteurs d’aliments tant dans l’Union européenne qu’en Suisse et ailleurs. Car dans les aliments, ses résidus peuvent causer des troubles génétiques et provoquer des cancers. C’est pourquoi la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a recommandé, en 2002, l’arrêt de l’utilisation du chloramphénicol dans la production alimentaire.
On le voit, même si en Suisse le problème du miel aux antibiotiques semble résolu, la mondialisation peut en faire surgir de nouveaux. Voilà pourquoi les services des chimistes cantonaux vont continuer à contrôler régulièrement les miels d’ici et d’ailleurs.
Ellen Weigand
Informations sur les abeilles, le miel et l’apiculture sur:
www.apis.admin.ch
Sans antibiotiques ni pesticides
Les 22 produits purs du test
Les échantillons analysés des miels suivants
étaient «propres»:
> Denner, Miel de fleurs, 4.90 fr./kg, AC/AS/Europe*
> Migros, M-Budget Produit à tartiner avec miel, origine non mentionnée, 7 fr./kg
> Coop Miel de fleurs, AN/AS/Europe, 10.40 fr./kg
> Migros Lilibigs Honey, AN/AS/Europe, 11,60 fr./kg
> Migros Miel à tartiner, AN/AS, 11,60 fr./kg
> Migros, Beemaid Miel de trèfle du Canada, 11,80 fr./kg
> Coop, Miel Max Havelaar, Uruguay/Mexique, 11,90 fr./kg
> Migros, Miel de Nectar, AN/AS/USA/Asie, 12,80 fr./kg
> Carrefour, Nectaflor Miel de forêt, AN/AS/Europe/Nouvelle-Zélande, 13,90 fr./kg
> Coop, Langnese Miel de fleurs d’été, origine non mentionnée, 15 fr./kg
> Manor, Caritas Max Havelaar Miel d’Amérique Latine, 15 fr./kg
> Carrefour, Nectaflor Necta Quick, AN/AS/Europe de l’Est, 15,40 fr./kg
> Coop, Apimiel Toscana, Italie, 15,90 fr./kg
> Carrefour, Lune de Miel Miel fruité, Argentine/Espagne/Turquie/Brésil/Hongrie, 17,05 fr./kg
> Coop, Sapimiel Miel sapin, divers pays européens, 19 fr./kg
> Globus, Honig-Zangger Manukahonig, Nouvelle Zélande, 19,80 fr./kg
> Denner, Apimiel Miel suisse, Suisse, 21,20 fr.
> Migros, Miel suisse, Suisse, 25,60 fr.
> Manor, Ruchers de la Champagne Miel de forêts, Genève, 27,80 fr.
> Manor, Bio Natur Plus Miel BIO Acacia, France, 30 fr./kg
> Migros, Floramiel Miel à la gelée royale, USA et autres origines, 31,20 fr./kg
> Globus, Miel de Montagne de Poschiavo, Suisse, 36,30 fr./kg
*AC = Amérique centrale, AS = Amérique du Sud,
*AN = Amérique du Nord