Une concurrence acharnée règne sur le marché des lunettes et des verres de contact. Dès lors, les opticiens ont-ils encore les moyens d’exercer leur métier au plus près de leur conscience? Cette profession a, en effet, ceci de particulier qu’elle est à la fois juge et partie: l’opticien diplômé peut effectuer lui-même des examens de la vue et prescrire l’achat de lunettes. Et pour survivre, il doit vendre. C’est pourquoi Bon à Savoir et On en parle ont testé les compétences de neuf opticiens.
Or, et ce constat rend honneur à la profession, tous ont fait passer le bien-être et les besoins de notre enquêteur avant leur sens commercial.
Pour réaliser ce test, notre enquêteur, qui souffre de maux de tête en fin de journée, surtout lorsqu’il travaille à l’ordinateur, a d’abord consulté un ophtalmologue, André Dosso, médecin adjoint à la Clinique universitaire d’ophtalmologie de Genève.
Un cas difficile
Sur la base de ces symptômes et d’un premier examen de la vue, André Dosso suspecte une hypermétropie – un défaut qui peut être à l’origine de céphalées (lire encadré) – mais si légère qu’elle n’altère pas la vue de notre enquêteur par ailleurs jugée excellente. Après un examen médical complémentaire, il conclut: «Le défaut est trop léger pour provoquer les maux de tête de ce patient. Je ne lui prescrirais donc pas des lunettes. Mais c’est un cas limite.»
Ensuite, notre enquêteur a pris rendez-vous chez neuf opticiens installés à Neuchâtel et environs. Le choix de cette petite ville permettait, en effet, de tester tous les professionnels de la place et ainsi de se faire une vision globale du marché dans un espace géographique défini. Chaque opticien devait répondre aux questions suivantes:
- Propose-t-il des lunettes?
- Quelles sont ses conclusions?
- Et est-il nécessaire de consulter un ophtalmologue?
L’avis des opticiens
On constate deux tendances:
- Quatre opticiens ont détecté une légère hypermétropie, susceptible de provoquer les maux de tête de notre enquêteur. Ils lui ont donc conseillé des lunettes pour lire et travailler à l’ordinateur. Il s’agit de Berdoz Optic, Comminot optométristes, La Lunetterie et Optic 2000 Houlmann.
- Les autres ont estimé que le port de lunettes ne pourrait pas le soulager: Clairvue, Optique des Arcades, Optique Luther et Visilab n’ont détecté aucun défaut de la vue et lui ont conseillé de mieux régler son écran d’ordinateur. De même, Leroy opticiens n’a pas proposé de lunettes, même si une légère hypermétropie a été constatée.
«La vision varie en cours de journée. Il n’est donc pas étonnant, que certains opticiens n’aient pas détecté une hypermétropie aussi légère», explique André Dosso. Et en tel cas, peut-on même parler d’un défaut? «Non, répond l’ophtalmologue. Pas dans la vie courante. Mais on vit dans un monde où la vue est tellement sollicitée, par l’ordinateur notamment, qu’une déficience minime peut se révéler gênante.»
Vision personnelle
Or, il suffit parfois de régler son écran ou de déplacer son ordinateur – qu’il ne faut jamais installer devant une source lumineuse – pour limiter la fatigue oculaire. Enfin, le confort visuel est une notion très personnelle: «Avec un défaut similaire, deux clients peuvent réagir de manière très différente, l’un préférant porter des verres correcteurs, l’autre pas», relève Dominic Ramspeck, chargé de communication à l’Association suisse de l’optique (ASO).
Une question d’assurance
Quand et qui faut-il consulter? L’opticien diplômé a la compétence de calculer le défaut visuel et de le corriger. Mais pas de diagnostiquer une pathologie. Il peut toutefois la suspecter et, dans ce cas, il doit envoyer son client chez l’ophtalmologue (aussi appelé oculiste). Ce médecin est formé pour détecter et soigner les maladies de l’œil.
Dans le cas de notre enquêteur, aucune anomalie ne laissait supposer l’existence d’un problème médical. Tout au plus, le port de lunettes pouvait-il constituer une amélioration de son confort. Certains opticiens ont toutefois estimé, qu’un deuxième avis pouvait se révéler utile. Et attention: il y a aussi un problème d’assurance. En effet, par mesure de prévention, la LAMal a introduit l’obligation de consulter un médecin pour être remboursé – seulement pour la première prescription en ce qui concerne les adultes.
Consulter un médecin
Donc, si vous ne portez encore ni lunettes ni lentilles, consultez d’abord un ophtalmologue; les adaptations ultérieures, en revanche, pourront être effectuées par un opticien. De plus, l’avis d’un médecin est indispensable:
- Si une fatigue oculaire, des irritations (yeux rouges), des maux de tête ou des douleurs persistent.
- Si vous constatez une baisse brutale de votre vision.
- Si vous avez plus de 40 ans
- Et un suivi médical s’impose en cas de myopie importante.
Sophie Reymondin
défauts visuels
Une personne sur deux porte des lunettes
Presque 60% de la population helvétique souffre d’un défaut de la vue. Et ces chiffres augmentent. En cause: une sollicitation visuelle toujours plus importante, qui fait ressortir des déficiences même très légères. Et le vieillissement de la population — dès la quarantaine, la presbytie nous guette.
Mais que se passe-t-il lorsqu’on voit flou? Dans un œil sain, le cristallin (qui correspond à la lentille d’un appareil photographique) se bombe en fonction des distances, pour propager la lumière selon un angle précis jusqu’au fond de l’œil sur la rétine. Lorsque l’image ne se forme pas exactement sur la rétine, la vision est floue. Il existe quatre principaux défauts visuels, que l’opticien calcule en dioptrie (unité de mesure correspondant à la correction):
- La presbytie: avec l’âge, le cristallin perd de sa souplesse et ne se bombe plus assez. Il en résulte une difficulté à accommoder de près.
- La myopie: l’œil est «trop long». L’image se forme en avant de la rétine: la vision est floue de loin, mais le myope voit bien de près.
- L’hypermétropie: l’œil n’est pas assez puissant. Il est dit «trop court», car l’image se forme en arrière de la rétine, d’où une vision floue de près et de loin. Pour tenter de voir net, l’hypermétrope fait un effort d’accommodation, qui peut provoquer de la fatigue et des maux de tête.
- L’astigmatisme: ce défaut provoque une vision imprécise de près comme de loin. L’astigmate ne perçoit pas nettement les contrastes entre les lignes horizontales, verticales ou obliques. En cause: une irrégularité de la cornée, qui n’arrive pas à restituer une image nette sur la rétine.