Alors qu’il devait bientôt fêter ses 50 ans, le taux Libor va disparaître du marché à la fin de 2021. Ainsi en ont décidé, cet été, les autorités britanniques qui le surveillent.
Le Libor, c’est un taux libellé dans plusieurs monnaies (francs, euros, dollars, etc.) et fixé chaque jour, à Londres, en fonction des niveaux auxquels une sélection de grandes banques se prêtent de l’argent entre elles. Autrement dit, il est fondé non pas sur des transactions concrètes, mais sur des déclarations qui – on s’en souvient – ont parfois été manipulées, provoquant un véritable scandale financier. Il est vrai que le Libor concerne la bagatelle de quelque 340 000 milliards de francs, soit le montant estimé des produits financiers qui l’utilisent comme référence!
Parmi ces produits, les hypothèques du même nom. Elles sont certes peu connues (lire encadré), mais on estime qu’elles représentent quand même 10% de celles contractées en Suisse, donc un montant de 95 milliards de francs. D’où la question que se posent de nombreux propriétaires: que va-t-il se passer dans un peu plus de quatre ans? «Pour la plupart d’entre eux, pas grand-chose, répond Guy Barboni, directeur de DL Conseils en financement immobilier. Car, si la durée des contrats-cadres d’une hypothèque Libor varie entre un et cinq ans, l’immense majorité est fixée à trois ans, donc avant fin 2021.»
Peu ou pas de changement
Pour les nouveaux contrats, en revanche, impossible de savoir, aujourd’hui déjà, quelle sera la nouvelle référence des hypothèques fondées sur les taux du marché. En Suisse, on parle beaucoup du Saron (Swiss average rate overnight), qui a l’avantage d’évoluer à des niveaux similaires à ceux du Libor. Mais personne n’ose parier qu’il sera bel et bien le nouvel élu et la Banque nationale suisse (BNS) a prévenu les impatients: elle se décidera en temps voulu. Sans autre précision!
«Il n’est d’ailleurs même pas sûr qu’un seul taux soit retenu, commente Roland Bron, directeur romand de la société VZ. On peut très bien imaginer plusieurs références à choix. En revanche, une chose est certaine: elles ne varieront pas beaucoup par rapport au Libor, car les investisseurs ne l’accepteraient pas.» Pour lui, il n’y a donc pas de souci à se faire: «Les avantages et les inconvénients d’une hypothèque Libor ne vont pas changer en 2022. Elle restera un modèle très intéressant lorsque les taux sont bas, ce qui est le cas aujourd’hui. Nous recommandons donc toujours à nos clients de la réclamer à leur banque, souvent discrète à ce sujet. Le coût moyen d’un prêt hypothécaire Libor de 500 000 fr. durant ces dix dernières années (de 2006 à 2016) a été de
84 500 fr., contre 148 000 fr. avec deux hypothèques à taux fixe sur cinq ans, ce qui représente une économie de 63 500 fr.!»
C’est trop tard
Autre son de cloche chez DL: «Une hypothèque Libor se négocie actuellement entre 0,8% et 1%, explique son administrateur Stéphane Defferard. Et une hypothèque avec un taux fixe sur 10 ans entre 1,1 et 1,3%. Or, on ne pourra pas aller beaucoup plus bas. L’écart est donc très faible. Lorsque, comme en 2009, il était de 1,5%, la question se posait différemment. Mais aujourd’hui, nous sommes d’avis qu’il fait encourir un risque inutile aux personnes dont le revenu ne peut pas varier rapidement. Et qu’elles ont tout intérêt à bloquer leur taux sur une longue période.»
Christian Chevrolet
Adaptation trimestrielle
Les hypothèques Libor s’adaptent, durant la période retenue dans le contrat-cadre, tous les trois ou six mois sur le Libor. Elles profitent donc rapidement d’une éventuelle baisse du taux, mais augmentent tout aussi vite en cas de hausse. Dans ce dernier cas, la plupart des banques laissent la possibilité à leurs clients de transformer tout ou une partie de l’hypothèque à taux fixe, moyennant des frais relativement minimes et indépendants du volume (environ 300 fr.). Mais, évidemment, si le Libor a augmenté, les taux fixes ont fait de même et l’hypothèque sera donc moins avantageuse que si elle avait été conclue au préalable.