Un petit vent de transparence souffle sur les compagnies d’aviation opérant en Suisse. Depuis le 1er avril 2012, elles ont, en effet, l’obligation d’inclure toutes les taxes et options diverses dans le prix du billet (lire «Meilleure indication des prix», BàS 3/2012). Notre survol des pratiques en cours confirme qu’elles se sont bel et bien conformées à cette exigence. Le consommateur peut désormais se fier à un «prix TTC», ce qui est un progrès indéniable.
Les transporteurs continuent toutefois d’user de stratagèmes destinés à enjoliver leurs tarifs en les noyant dans une multitude de taxes plus ou moins obscures: redevance passager, frais de sécurité, taxe de solidarité, service fee, etc. Sans oublier la plus lourde d’entre elles, la fameuse «taxe carburant», appelée aussi «surtaxe kérosène», ou encore «surcharge YQ».
«Taxe farine»
Il est vrai que le cours du kérosène flambe. Du coup, certaines compagnies se disent contraintes d’augmenter la taxe carburant prélevée sur les billets. Dans le cas de Swiss, cette surcharge vient de passer de 42 fr. à 44 fr. pour les vols européens et de 164 fr. à 172 fr. pour un long-courrier. Logiquement, le prix du billet devrait être augmenté d’autant…
Dans l’esprit du consommateur, une taxe est synonyme d’impôt, soit un prélèvement obligatoire exigé par un tiers (souvent l’Etat), que la compagnie ne ferait que répercuter tel quel. Or, une fois encore, c’est vrai: les avionneurs paient toutes sortes de taxes, notamment pour l’utilisation des infrastructures aéroportuaires et la sécurité au sol. Ce n’est pourtant pas le cas de la «taxe carburant», qu’ils fixent selon leur bon vouloir (lire «Billet d’avion pas remboursé, vraiment?», BàS 4/2011), si ce n’est une modeste somme pour le CO2 depuis le début de cette année. Mais ils achètent – à terme – du kérosène sur le marché: c’est une des charges (importante) à laquelle ils doivent faire face, au même titre qu’un boulanger se fournit en farine pour confectionner ses baguettes. Or, on n’a jamais vu de «taxe farine», pas plus que de «taxe levain»...
Décomposition fantaisiste
De fait, chaque compagnie décompose le prix du billet comme cela lui chante. Easyjet n’affiche plus, désormais, qu’un montant unique de 16 fr. pour «frais de gestion», sur un vol Genève-Madrid. Le prix du billet apparaît alors sans fioriture. L’avionneur confirme que «la surcharge kérosène n’est qu’une composante du prix de base du billet». Air France se positionne à l’identique, tout en mentionnant pourtant des «taxes carburant» qui peuvent varier de 49 fr. à 101 fr. pour un même vol direct Genève-Paris, en fonction de la classe du billet. Et du marché!
Genève-Londres pour 4 fr.
Mais, mis à part Easyjet et Swiss (qui s’en tient à un montant fixe), tous les autres avionneurs consultés (Iberia, Lufthansa, Air France et KLM) pratiquent des «suppléments kérosène» à géométrie variable. Lufthansa nous a ainsi d’abord affirmé qu’elle ponctionnait 35 euros de surcharge kérosène pour un vol européen, avant de reconnaître qu’elle pouvait adapter ce montant pour les besoins de ses offres promotionnelles.
Enfin, la palme de la créativité en la matière revient à KLM, capable d’aligner, outre la surcharge carburant, entre six à huit taxes différentes pour un vol aller-retour Genève-Londres, via Amsterdam (voir capture d’écran ci-contre), qu’elle prend la peine de décrire sur son site. Au total, sur un billet vendu 270.85 fr. les taxes se montent à 266.85 fr., ramenant ainsi le prix du billet à... 4 fr.!
Philippe Chevalier
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