Chaque année, en Suisse, environ 2,5% des salariés de 55 à 64 ans sont confrontés à un licenciement, selon les chiffres de l’Enquête suisse sur la population active, conduite annuellement par l’Office fédéral de la statistique. C’est le sort qu’a subi, il y a quelques mois, un lecteur argovien qui travaillait depuis 1989 dans une entreprise qui vend des appareils médicaux aux hôpitaux.
Son nouveau chef ne se montre pas satisfait des résultats du technicien et lui envoie un avertissement, fin 2019. L’employé de 62 ans proteste par écrit, car les objectifs fixés pour cette année étaient atteints. En vain. En avril 2020, il reçoit son licenciement au terme d’un délai de six mois, mais est libéré de ses fonctions sur-le-champ. Il reçoit aussi une indemnité de départ de deux mois de salaire, prévue par le règlement. Il n’accepte pas la décision et fait intervenir un avocat. Ce dernier demande un justificatif, puis fait opposition. Avec succès: l’entreprise propose au technicien médical un poste dans un autre domaine, toutefois inadapté. Finalement, elle augmente l’indemnisation d’un mois de salaire supplémentaire.
Devoir de protection accru
La loi ne prévoit pas de protection particulière contre les licenciements des salariés proches de la retraite. Cela dit, le Tribunal fédéral (TF) a relevé les exigences au cours de ces dernières années, en estimant que les employés âgés devaient bénéficier d’un «devoir de protection accru». Concrètement, le patron doit informer le collaborateur, à temps, sur son intention de le licencier et lui donner la possibilité de s’exprimer. Par ailleurs, il doit s’efforcer de trouver des solutions permettant de poursuivre le rapport de travail. Sans cela, le licenciement est considéré comme abusif. Conséquence: l’employé a droit à une indemnité pouvant aller jusqu’à six mois de salaire.
Les juges fédéraux ont taxé d’abusifs les cas suivants:
➛ Un chauffagiste de 63 ans du canton de Berne est congédié sans entretien préalable après quarante-quatre ans de service. Le TF a jugé la démarche de l’employeur abusive et en violation du devoir d’assistance. L’entreprise a dû verser une indemnité de six mois de salaire au sexagénaire. (Arrêt 132 III 115).
➛ Une entreprise du canton de Neuchâtel a dû verser quatre mois de salaire à un homme de 64 ans, viré après douze ans d’activité. L’entreprise estimait que l’agent d’exploitation n’était plus motivé. Pourtant, ses évaluations correspondaient aux attentes de l’entreprise et ses performances n’étaient guère inférieures à celles d’un collègue bien plus jeune et particulièrement performant. (Arrêt 4A_558/2012).
➛ Un key-account manager du canton d’Uri est renvoyé à l’âge de 59 ans après trente-cinq ans de service. Aux yeux du TF, le licenciement était abusif. Selon lui, le patron aurait dû avertir clairement l’employé qu’il jugeait les difficultés rencontrées au cours des derniers mois comme assez graves pour conduire à un licenciement. Le collaborateur a reçu une indemnité de deux mois de salaire. (Arrêt 4A_384/2014)
La jurisprudence fédérale ne fixe pas clairement l’âge ni le nombre d’années de service à partir desquels le principe de «devoir accru de protection» est valable. En 2016, Corrado Pardini, alors conseiller national (BE/PS) avait déposé une initiative parlementaire fixant l’âge à 55 ans et la durée des services à dix ans au minimum. L’objet a été rejeté en 2018.
Michael Krampf / Sandra Porchet
En détail: Que faire en cas de licenciement abusif?
➛ Exigez que votre employeur vous livre les raisons du licenciement par écrit.
➛ Si vous n’êtes pas d’accord avec les justifications données, vous pouvez vous opposer au licenciement. La démarche doit être entreprise avant l’échéance du délai de résiliation du contrat et par lettre recommandée.
➛ Si le licenciement est abusif et que vous ne trouvez pas d’accord avec votre employeur pour poursuivre la relation de travail, vous pouvez déposer une plainte auprès des autorités de conciliation de votre lieu de travail ou du siège de l’entreprise, dans le but d’obtenir une indemnité. La démarche doit avoir lieu dans les 180 jours suivant la fin du contrat de travail. Vous trouverez la liste des autorités compétentes sur www.tribunauxcivils.ch
➛ L’indemnité peut atteindre, au plus, six mois de salaire. Elle est fixée par le tribunal.