Propriétaire d’une maison de maître sur les hauts de Lausanne, un lecteur de Bon à Savoir pensait avoir fait tout juste en concluant un contrat de gérance avec la Couronne, importante régie immobilière vaudoise. Au début de 2011, celle-ci l’informe qu’elle a trouvé un locataire, une société dont l’administrateur est avocat au barreau de Genève. Un bail de deux ans est signé et la remise des clés a lieu dans la foulée, le 15 avril. Les mésaventures commencent peu après: l’occupant ne s’acquitte pas de ses loyers, n’entretient pas le vaste jardin – alors que le contrat l’y oblige – et n’habite d’ailleurs pas lui-même sur place. Une autre famille s’est installée, faisant fi de l’interdiction de sous-location inscrite sur le bail.
Comme l’occupant verse d’abord son loyer à la régie, le propriétaire n’est informé que huit mois après le début des problèmes. Il lui faudra de nombreux mois supplémentaires et diverses procédures pour parvenir, finalement, à récupérer sa maison… dans un triste état: déchets et meubles abandonnés jonchent le sol, les papiers peints sont tachés, les planchers rayés et les encadrements des fenêtres endommagés par des brûlures de cigarettes. Quant au jardin, remis à neuf pour 35 000 fr. à l’entrée du locataire, il est à l’abandon. Loyers non payés, remise en état complète et frais de justice inclus, notre lecteur estime le dommage subi à plus de
250 000 fr.
Négligences de la régie?
Lorsqu’il tente de récupérer son argent, il se heurte à la faillite de la société et ne parvient à récupérer, garantie de loyer incluse, que
100 000 fr. environ. Mais, selon lui, la régie porte aussi une grande part de responsabilité: «J’ai appris que la garantie n’a été versée que trois mois après la remise des clés, ce qui aurait dû l’alerter sur la mauvaise situation du locataire! Elle n’a pas non plus demandé qu’une personne physique, par exemple son administrateur, figure sur le bail comme locataire solidairement responsable, ce qui est contraire à l’usage. Enfin, elle ne s’est pas assurée de la solvabilité de cette société, en ne lui demandant pas de documents démontrant ses revenus, par exemple le compte de pertes et profits», reproche notre lecteur, qui a décidé de s’adresser à la régie pour obtenir réparation. En vain jusqu’ici.
Celle-ci, de son côté, réfute toute responsabilité: «Le bailleur a accepté sans aucune réserve la candidature soumise par nos soins, sans demander de complément ni de précision, se défend Charlotte Ferrero, responsable du Service juridique et contentieux de Gerofinance-Dunand – Régie de la Couronne. En outre, il n’y avait aucune raison de douter de la solvabilité de la société locataire, qui avait annexé les documents usuels à sa demande de location.» Et la régie de conclure que la position de bailleur comporte certains risques, notamment financiers…
Propriétaire démuni
Un locataire insolvable – ou une entreprise en faillite – ne laisse effectivement que peu de voies de recours au propriétaire: «C’est bien le locataire qui reste débiteur de tout dommage à la chose louée», confirme Frédéric Dovat, secrétaire général de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier Vaud. Raison pour laquelle il est primordial de prendre ses précautions avant de mettre un bien en location (lire encadré).
Ici, c’est donc à la société qui a loué la villa de rembourser les dommages, et non à la régie. Le spécialiste – qui ne se prononce pas sur ce cas particulier – corrobore toutefois les dires de notre lecteur: lorsqu’un bail est signé avec une personne morale, il est courant qu’il soit demandé à une personne physique de cosigner le contrat, et que la régie demande des renseignements commerciaux. Or, ici, elle s’est contentée d’une attestation de l’Office des poursuites et ne disposait pas d’un document témoignant de la capacité financière de la société.
Notre lecteur n’a pas encore décidé s’il allait poursuivre la régie pour violation de la bonne et fidèle exécution de son contrat de gérance, découragé par les frais dont il a déjà dû s’acquitter pour récupérer son bien.
Vincent Cherpillod
Conseils: Limiter les risques
L’examen de la solvabilité du locataire fait certes partie du cahier des charges du gérant. Mais mieux vaut prendre la peine de vérifier soi-même si l’occupant a soumis les documents qui prouvent qu’il est capable de payer son loyer, ou encore que la garantie de loyer a bien été versée. En outre, si le locataire est une entreprise, il faut insister pour qu’une personne physique cosigne le bail, afin de pouvoir se retourner contre elle si la société fait faillite. Enfin, on veillera à choisir une régie membre de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI). Ce n’est toutefois pas une garantie absolue, puisque la régie de notre lecteur est membre de sa section vaudoise…