Il existe quatre sortes de champignons: les comestibles, les toxiques, les hallucinogènes et… les champignons de Paris séchés de Chine! Plaisanterie à part, on serait pourtant tenté de classer ces derniers dans les espèces vénéneuses, tant ceux que nous avons fait analyser étaient chargés en substances toxiques. Par la même occasion, nous avons examiné des haricots séchés, également cultivés en Chine, principal pays d’approvisionnement de Suisse. Ces derniers, comme le relèvent nos analyses, sont, dans l’ensemble, moins touchés.
Les paysans chinois sont connus pour avoir la main lourde sur la sulfateuse. Le problème est que les fongicides, les insecticides et autres herbicides généreusement vaporisés se retrouvent ensuite dans le produit fini, pour terminer dans l’estomac des consommateurs. A l’exception du sachet vendu dans les magasins de la chaîne Rendez-Vous, tous contenaient un pesticide au moins. Les articles de Coop et de Migros sont particulièrement chargés, accusant cinq substances toxiques différentes. En outre, quatre échantillons sur les six analysés (Globus, Volg, Coop et Migros) recelaient deux produits chimiques interdits d’utilisation en Suisse.
Mortel chez le rat!
Ces résultats inquiètent Christiane Huxdorff, de Greenpeace Allemagne. La chimiste rappelle qu’on connaît très mal l’interaction des substances toxiques quand elles sont réunies dans un même cocktail. De plus, le laboratoire a aussi retrouvé de l’isocarbophos dans les haricots déshydratés de Denner, un insecticide interdit en Suisse et qui n’est plus guère utilisé qu’en Chine. Il est considéré comme hautement toxique. «Chez le rat, il est mortel, même avec des doses très faibles», illustre la chimiste.
En outre, pratiquement tous les champignons analysés ainsi que les haricots M-Classic de Migros contenaient du carbofuran, un autre insecticide, à peine moins inquiétant. L’Union européenne l’a rangé dans la plus haute classe de toxicité et l’a interdit depuis 2007. De même, il est prohibé en Suisse depuis deux ans, les agriculteurs ayant encore la possibilité de l’utiliser jusqu’au 1er juillet de cette année.
Traitement tous les deux jours
La plupart des produits chimiques retrouvés dans les échantillons l’étaient en faibles quantités, à l’exception notable du carbendazime. Les plus chargés du lot sont les champignons de Volg, à raison de 1,7 mg par kilo. Cette substance est couramment utilisée en Chine pour lutter contre les moisissures.
En Suisse, ce fongicide est autorisé, mais la notice d’utilisation comprend pas moins de 13 recommandations. Parmi celles-ci, on peut lire que «les habits de protection doivent être lavés après usage». L’Union européenne, de son côté, a émis de sévères restrictions d’emploi pour cette substance qui «peut induire des anomalies génétiques», «peut nuire à la fertilité ou au fœtus» et qui est «très toxique pour les organismes aquatiques». En 2011, les analyses conduites par nos confrères alémaniques de Gesundheitstipp avaient déjà montré que les fruits et les légumes chinois (notamment les baies de goji) contenaient souvent de très fortes concentrations de pesticides. En Chine, les tomates et les concombres sont pulvérisés entre trois et cinq fois avant la récolte, rapporte Reyes Tirado, spécialiste en la matière à Greenpeace. Et même un jour sur deux dans la province du Guangdong.
Détaillants inébranlables
A la suite de nos analyses, Netco, qui produit les haricots Bonfine vendus par Denner, s’insurge contre la mention «peu satisfaisant» qui leur a été attribuée. Il fait valoir que les quantités de carbendazime et d’isocarbophos (respectivement 0,006 mg/kg et 0,02 mg/kg) sont inférieures aux valeurs limites légales. C’est exact. Il n’empêche que l’échantillon analysé recelait plus de cinq pesticides, dont deux interdits d’utilisation en Suisse.
A l’instar de Migros, les autres détaillants rétorquent que leurs articles sont «conformes à la loi fédérale sur les denrées alimentaires». Du moment qu’ils n’ont pas été produits en Suisse, Coop et Denner estiment qu’il n’y a rien à redire.Volg précise tout de même qu’il a retiré les champignons Butty de son assortiment à la fin de 2012, tout en autorisant les magasins à écouler leurs stocks.
Christian Egg,
Brigitte Jeckelmann / phc
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