L’histoire est arrivée récemment à l'un de nos lecteurs: alors qu’un douanier lui demande, tandis qu’il franchit la frontière suisse, s’il a quelque chose à déclarer, il répond tranquillement: «Oui, mais en quantités autorisées.» La réponse est aussi sèche que courtoise: «D’abord, Monsieur, rien n’est autorisé, mais seulement toléré. Ensuite, permettez-moi de juger ce qui l’est ou non…»
Et, à vrai dire, cette enquête bouclée, nous ne sommes pas loin de penser que la remarque était pertinente, tant le système des franchises et des taxes douanières est complexe! Essayons pourtant de le comprendre.
Trois groupes
Pour commencer, il faut distinguer trois groupes d’objets à déclarer:
- les boissons alcooliques (sauf le cidre) et le tabac, pour lesquels chaque personne de plus de 17 ans bénéficie d’une franchise quotidienne (voir tableaux 1 à 3);
- les denrées alimentaires qui sont «tolérées» jusqu’à un total de 300 fr. par personne, enfants inclus, mais dont les quantités sont également limitées (tableau 4);
- les autres objets, sans franchise ni surtaxe, mais pour lesquels il faut payer la TVA (tableau 6).
Les boissons alcoolisées
Premier problème: les «tolérances» et les taxes qui concernent les boissons alcoolisées sont exprimées en litre, alors qu’une bouteille de vin contient généralement 0,75 l. Magnanime, la douane laisse passer 3 bouteilles par personne, mais fait bel et bien ses calculs en litre dès qu’il y a surplus. Elle demande, en effet, une taxe de 60 ct./l pour les 20 premiers litres excédentaires, puis 3 fr./l au-delà (cf. tableau 1).
Les fonctionnaires ajoutent ensuite la TVA suisse (8%), calculée en fonction du prix d’achat. Si le ticket indique le montant de la TVA du pays d’origine, mais seulement dans ce cas, il est préalablement déduit. Prenons l’exemple du tableau 1: une bouteille de 7,5 dl, achetée 7.5 €, revient à 10 € le litre. Hors taxe (la TVA française est de 19,6%), le prix revient donc à 8.04 €/l, soit environ 12.50 fr.
Dans notre exemple, il va falloir payer, dès la 4e bouteille, un supplément de 1.40 fr. par litre jusqu’à concurrence de 20 litres excédentaires, puis de 3.80 fr. au-delà.
Transposons le calcul en se référant à des cartons classiques de six bouteilles de 7,5 dl (voir partie inférieure du tableau 1). On s’aperçoit que, pour une personne, la taxe totale à payer pour un seul emballage est minime (3.50 fr., soit 0.58 ct./bouteille), mais qu’elle passe à 81.20 fr. pour 8 cartons, soit 1.69 fr./bouteille).
Il n’y a, en revanche, qu’un seul tarif pour les autres boissons alcoolisées, après déduction d’une franchise d’un litre par personne (tableau 2). Pour un litre de whisky excédentaire, il faudra donc payer une taxe de 12 fr. + 8% de TVA sur le prix d’achat.
Le tabac
Les choses ne sont guère plus simples avec le tabac (tableau 3), puisque les calculs sont aussi fondés sur le poids, emballage inclus. Passe encore pour les cigarettes (une cartouche pèse environ 250 g), mais la balance est indispensable pour les cigares!
Là encore, la douane facilite les choses pour la franchise: 200 cigarettes (une cartouche) ou – remarquez bien le «ou» – 50 cigares ou 250 g de tabac coupé.
Au-delà, le prix de revient prend l’ascenseur. Choisissons l’exemple d’une cartouche achetée 44 € en Italie. Si elle est excédentaire, la taxe revient à 41.25 fr. et la TVA à 3.53 fr., ce qui amène le prix final à 99.78 fr. Autant l’acheter en Suisse!
Les denrées alimentaires
La complexité touche à son comble pour les denrées alimentaires. La plupart sont, en effet, conditionnées par deux genres de «tolérance» combinés:
- une franchise de 300 fr. par personne et par jour pour le montant total, pour autant qu’elle soient destinées à la consommation personnelle ou pour en faire cadeau;
- des limites quantitatives pour plusieurs groupes (tableau 4).
L’exemple concocté dans le tableau 5 démontre la difficulté du calcul. A priori, l’automobiliste qui présente son cabas à la douane est en droit d’espérer un passage sans taxe, puisque le montant de ses courses se monte à 210.40 fr.
Il n’en est rien, car les limites quantitatives de plusieurs groupes sont dépassées. Il va donc falloir payer une taxe et la TVA suisse (2,5%) sur tous les excédents. Rien que pour la viande, cela représente 98 fr.! Ce qui amène le prix d’achat de 210 fr. environ à un prix final de 350 fr. (+ 67%)!
En revanche, si le total reste inférieur à 300 fr. (y compris les objets divers évoqués plus bas) et qu’aucune limite quantitative n’a été dépassée, notre automobiliste n’aura rien à payer. Mais, à l’inverse (le total dépasse 300 fr. sans outrepasser les limites), la franchise tombe et il devra payer sur la totalité de l’addition! Vous prenez une aspirine?
Les objets divers
A propos de médicaments, ils font partie des divers objets (avec les vêtements, les meubles, les livres, les plantes, etc.) qu’il est possible d’importer sans surtaxe, mais sans franchise aussi (voir tableau 6). En revanche, vous n’échapperez pas à la TVA (2,5% ou 8%) et leur coût est intégré à la franchise de 300 fr. commentée ci-dessus.
Carole Despont
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.