On la croyait disparue, mais la voilà qui réapparaît des limbes parapsychologiques: Maria Duval, «la plus grande voyante du monde», offre à nouveau son «vrai talisman». Un petit morceau de papier avec divers symboles, censé totalement changer notre vie – gain au loto, retour d’un amour perdu, etc. Il suffit de le commander à Maria Duval, à St. Margrethen (SG). Mais vite, car seuls les 500 premiers deviendront les heureux propriétaires du talisman, et recevront en prime une voyance, également gratuite, sur leur proche avenir. D’ailleurs, même si vous ne demandez rien, Maria Duval pourrait vous envoyer
ses prévisions, payantes cette fois! (lire encadré).
Mais qui est cette Duval saint-galloise? Contactée à son domicile français à Callas, Mme Duval, de son vrai nom Maria Gamba-Carolina, d’origine italienne, dit tout ignorer des récentes publicités suisses. Après avoir indiqué qu’elle va se renseigner et nous rappeler, elle se contentera de brancher son répondeur. Et nous envoie un résumé de ses activités ésotériques: présidente d’un obscur Institut français de recherche en parapsychologie, spécialiste en réincarnations, astrologue, etc.
Une marque
En réalité, l’adresse saint-galloise à l’enseigne de Maria Duval n’est qu’une boîte à lettres d’Astroforce Verlag GmbH à Wolfurt (AU), gérée par Licon Linden Consulting de Bonn, une firme allemande de marketing, d’édition et de vente par correspondance. Comme on nous l’explique chez Licon, Maria Duval est une marque. La voyante perçoit des royalties sur les ventes réalisées en son nom. Un commerce probablement juteux. Car ailleurs dans le monde, plusieurs sociétés vendent du Duval, souvent sous le nom d’Astroforce. En Suède, au Danemark, au Portugal et même aux Etats-Unis, des associations de consommateurs ont ainsi déjà publié plusieurs mises en garde contre ces firmes.
Plainte à Lausanne
Astroforce et Maria Duval sont aussi bien connues de la justice vaudoise. La FRC et la Fondation suisse pour la protection des consommateurs ont porté plainte pénale pour concurrence déloyale contre Astroforce à Lausanne, en 1996 déjà. La firme, toujours inscrite au registre du commerce, mais dont les bureaux lausannois sont fermés, proposait les prévisions et bons conseils de plusieurs voyantes, dont Maria Duval. Ses responsables pourraient être inculpés d’escroquerie et d’usure, pour l’envoi de courriers personnalisés promettant la bonne fortune.
«Il est difficile de réunir des preuves, note Nicolas Cruchet, juge d’instruction cantonal en charge de l’affaire. Car comment apprécier la manière dont les courriers personnalisés ont été perçus par ceux qui les ont reçus? Tout dépend de leur état d’esprit du moment, s’ils étaient en bonne santé ou non, s’ils étaient heureux en amour ou pas, etc.»
Pour le magistrat, la voie pénale n’est pas forcément la panacée: «Le remède contre ces pratiques, c’est avant tout de rendre le consommateur vigilant en l’informant de ce genre d’arnaques.»
En résumé: jetez immédiatement toute publicité signée Maria Duval, Astroforce ou par tout autre voyant. Et suivez le bon conseil que nous a prodigué Maria Duval elle-même: demandez à être rayé de leur fichier d’adresses!
Ellen Weigand
colis non commandé
Un lecteur de Bon à Savoir remboursé
Denis Bloud a fait l’expérience des méthodes de certaines sociétés vantant des produits au nom de Maria Duval. Début février, sa femme de ménage a payé, et donc légalement accepté, un colis non commandé, contenant des prévisions duvaliennes. Expéditeur: Maria Duval, à St. Margrethen. La facture, de 94 fr. (79 fr. + 15 fr. de port) portait, elle, l’adresse autrichienne d’Astroforce (lire ci-dessus).
M. Bloud écrit tout de même à l’adresse saint-galloise pour être remboursé et exige que son nom soit rayé du fichier-clients de la firme. Sa lettre demeure sans réponse, mais il reçoit encore deux publicités!
Après consultation de sa protection juridique, Denis Bloud décide d’abandonner et prend en charge la moitié de la facture.
C’est là que Bon à Savoir prend le relais. Et trouve
les coordonnées du responsable de l’envoi non commandé, la maison Licon de Bonn. Selon Daniela Paas, collaboratrice de Licon, il doit s’agir d’une erreur: «Son nom sera rayé du fichier d’adresses et l’argent lui sera remboursé.»
M. Bloud s’en réjouit, mais demande comment une telle «erreur» est possible? «Je l’ignore, répond laconiquement Mme Paas. Peut-être qu’un ami a passé commande pour lui faire une farce, ou, comme cela arrive avec des personnes âgées, qu’il a oublié avoir commandé quelque chose». Or, notre lecteur, qui a toute sa tête, exclut qu’un ami ait pu lui faire une farce d’un goût aussi douteux.