Habiter et travailler dans un pays multilingue impose des contraintes. Parler la langue de l’autre ou la comprendre un peu est non seulement une nécessité, mais aussi une marque de respect et d’intérêt pour les différents groupes linguistiques qui composent la Suisse. Dans le journalisme, comme dans d’autres secteurs de la société, la règle tacite la plus courante est que chacun s’exprime dans sa langue – même si, il faut bien l’admettre, la tentation de s’égarer vers l’anglais est parfois la plus forte, d’un côté comme de l’autre!
Mais lorsque l’interlocuteur est un grand groupe implanté dans tout le pays ou, plus encore, un service de l’Etat, il en va tout autrement. Le rapport de force change. Là, il devient essentiel que la minorité linguistique puisse demander et obtenir des informations dans sa langue, sous peine de se retrouver mise à l’écart politiquement, économiquement et socialement. En 2012, par exemple, le Matin Dimanche révélait que les entreprises romandes ne remportaient que 11% des appels d’offres de la Confédération, en dépit d’un poids deux fois supérieur dans l’économie nationale. Sous la coupole, d’ailleurs, plusieurs politiciens romands ont déjà souligné le désintérêt que suscitent les interventions faites en français. Quant au consommateur, que doit-il faire lorsqu’une entreprise, pourtant active sur le marché de son bassin linguistique, s’obstine à lui répondre en allemand?
Lors de nos prises de contact, nous sommes aux premières loges pour observer l’attention que portent les grandes sociétés et les administrations à la minorité francophone. Si la majorité d’entre elles l’ont compris et s’attachent les services d’un porte-parole romand ou bilingue, d’autres ne jouent pas toujours le jeu et répondent en allemand, même quand elles ont plusieurs jours pour le faire. C’est notamment le cas des assureurs Concordia, Swica, Visana et Zurich, de l’autorité de surveillance des marchés financiers (Finma), et même, parfois, de Coop et ses quelques 200 succursales romandes. Bien sûr, cette attitude ne nous empêche pas de faire notre travail. Mais elle donne un indice sur leur volonté de contribuer, ou non, à la bonne entente confédérale.
Vincent Cherpillod