Cage d’escalier encombrée, enfants trop bruyants, insultes, etc., les motifs de friction entre voisins ne manquent pas dans une PPE, et la situation peut rapidement dégénérer au point de devenir invivable. Dès lors, est-il possible d’expulser le ou les fauteurs de trouble de la communauté des copropriétaires?
En fait, il appartient au juge, et à lui seul, de décider de l’exclusion ou non d’un propriétaire par étages (art. 649b du Code civil). Mais il ne le fera que très rarement. Le Tribunal fédéral considère, en effet, que cette mesure extrême, qui s’apparente à une forme d’expropriation privée sans pleine indemnisation, ne se justifie qu’en dernier ressort. Elle n’intervient donc que lorsque toutes les autres options sont restées sans effet: avertissement, rappel à l’ordre, conciliation, amende ou restriction de l’utilisation de parties communes, pour autant qu’elles soient prévues dans le règlement d’administration.
De plus, il faut au moins que deux conditions soient réunies.
- Le copropriétaire ou les personnes dont il répond (enfants, invités mais aussi le locataire à qui il loue son bien) ont enfreint leurs obligations envers un membre de la communauté.
- Cette violation – unique, ponctuelle ou répétée – est si grave qu’elle rend la cohabitation future avec les autres copropriétaires impossible, voire dangereuse.
Des critères restreints
Concrètement, l’ouverture d’une procédure d’exclusion se justifie si le copropriétaire:
- viole gravement une disposition contenue dans la loi ou le règlement d’administration;
- change l’affectation de son bien (en le transformant par exemple en salon érotique);
- commet des déprédations importantes dans les parties communes;
- profère des menaces graves et répétées ou insulte régulièrement ses voisins.
En juillet 2009, le Tribunal fédéral a ainsi confirmé l’exclusion d’une copropriétaire. Car son mari avait mis «le paquet», en refusant notamment qu’on pénètre chez lui pour relever les compteurs, en menaçant les habitants de l’immeuble avec un sabre, en leur envoyant des courriers menaçants, et en giflant ou insultant certains d’entre eux à plusieurs reprises depuis 1993.
En revanche, laisser son chat faire ses besoins dans le jardin des voisins ou ne pas s’acquitter des charges et des frais communs ne constituent pas un motif d’exclusion valable, d’autres dispositions moins radicales existant pour se faire entendre.
Majorité absolue
Pour qu’une action en exclusion soit jugée recevable, la décision doit être prise, sauf disposition contraire, à la majorité de tous les propriétaires par étages, moins celui dont l’exclusion est demandée. Chaque propriétaire est ensuite habilité à saisir la justice. De son côté, le lésé aura un mois à compter du jour où il en a eu connaissance pour attaquer cette décision (art. 75 CC).
On s’en doute, une telle procédure est longue, coûteuse et loin d’être gagnée d’avance.
Il faudra notamment prouver que le voisin récalcitrant a bien été sommé de modifier son comportement, mais qu’il persiste à ignorer ces injonctions. On prendra donc soin de lui envoyer les avertissements par courrier recommandé, en l’informant précisément des faits qui lui sont reprochés et en le prévenant qu’une action en exclusion sera intentée contre lui s’il ne met pas fin à ses agissements.
Enfin, si l’exclusion est refusée par le juge, la situation, déjà bien compliquée, risque encore de s’envenimer! Pour y mettre un terme, on n’aura bien souvent d’autres choix que de… partir soi-même en vendant son bien ou tout du moins en le louant. Mener une enquête de voisinage avant d’acheter un lot en PPE semble donc être le meilleur conseil que nous puissions donner…
Chantal Guyon