C'est une surprise pour de nombreux internautes ayant la faiblesse de taper leur nom dans un moteur de recherche: l'un des premiers sites où ils sont référencés leur est complètement inconnu. Pourtant, moneyhouse.ch contient quelque 8 millions de fiches sur des citoyens suisses, notamment dans le but de mesurer leur solvabilité. Des informations qu'il collecte auprès de différentes sources privées, mais aussi des offices de poursuite, de la Feuille officielle du commerce ou encore de moteurs de recherche comme Google ou local.ch.
Toutes ses données, Moneyhouse les met gratuitement à disposition sur son site internet moyennant un enregistrement préalable. Mais il est aussi possible, contre paiement cette fois, d'aller plus loin et d'obtenir des informations sur la solvabilité de la personne fichée, notamment sur ses éventuels défauts de paiement, actes de poursuite et même sur sa situation économique et fiscale.
Pas de profil
Une pratique qui a déjà fait couler passablement d'encre et qui justifie régulièrement l'intervention du Préposé fédéral à la protection des données, lequel a fini par déposer plainte contre certains abus. Avec succès, puisqu'un arrêt* du Tribunal administratif fédéral, rendu le 18 avril et publié hier, exige que Moneyhouse cesse de créer des portraits biographiques de certains citoyens. Les «profils de personnalité» incluent, en effet, non seulement des données économiques mais aussi des informations sur la profession, le domicile, le voisinage, etc. En tel cas, la société reçoit l'ordre d'effacer les données d'ores et déjà enregistrées et de ne plus les collecter, désormais, sans l'accord de l'intéressé.
Par ailleurs, Moneyhouse devra mieux contrôler l'exactitude des informations publiées (via un sondage portant au moins sur 5% des fiches), tout comme la justification pour y accéder (sondage sur 3% au moins des demandes).
L'avis du proposé
Nos confrères de l'émission On en parle (RTS, La Première) ont demandé ce matin à Jean-Philippe Walter, préposé suppléant à la protection des données, quelle était la portée exacte de cet arrêt. Il rappelle d'abord que la décision est sujette à recours, mais estime que si Moneyhouse ne l'utilise pas et continue à établir des profils de personnalité, il ne pourra le faire qu'avec le consentement de la personne concernée. Et bien sûr, il devra effacer les données de tous ceux qui, par le passé, n'ont pas été consultés avant publication. Reste à s'entendre sur ce qu'on appelle exactement un «profil de personnalité», ce qui risque de provoquer encore plusieurs allers et retours entre les services du préposé et la société incriminée...
Enfin, qu'en est-il des informations sur la seule solvabilité? N'est-il vraiment pas possible d'exiger qu'elles aussi soient supprimées? «N'importe qui a le droit de le demander, répond le préposé suppléant à la RTS, mais c'est Moneyhouse qui tranchera. Et si vous contestez sa décision, c'est la justice qui devra décider si votre droit l'emporte sur l'intérêt des tiers de savoir si vous êtes solvables ou pas».
Christian Chevrolet
* Arrêt A-4232/2015 (format PDF, en allemand seulement)