L’invention de la capote ne date pas d’hier. Mais, des boyaux de mouton d’antan aux modèles bariolés d’aujourd’hui, leur fabrication a bien évolué! A la fois moyen de contraception et barrière contre les maladies sexuellement transmissibles, elles entrent en contact direct avec les muqueuses du corps. Dès lors, leur utilisation est-elle sans danger pour la santé? Pour le savoir, nous avons soumis vingt préservatifs masculins – huit classiques et douze spéciaux – à un laboratoire pour détecter les substances qui s’y trouvent (lire encadré).
Notre préenquête n’a pas été des plus rassurantes. D’abord, les préservatifs étant considérés comme des dispositifs médicaux et non des médicaments, ils ne sont pas soumis au contrôle d’un organe étatique comme Swissmedic. En matière de substances problématiques, les normes sont floues et surtout non contraignantes. Lorsqu’elles n’existent pas, c’est au fabricant d’élaborer lui-même les bases qui serviront à vérifier et à évaluer ses produits. Les autorités de contrôle n’interviennent qu’a posteriori, si un problème est détecté. Or, certains médias ont récemment identifié des composés nocifs dans des condoms, notamment des perturbateurs endocriniens.
Deux tiers tout propres
Nos résultats sont toutefois rassurants: le laboratoire n’a pas décelé de problèmes majeurs. Deux soucis tout de même: d’abord, le nombre de bactéries dans quatre articles est supérieur à la recommandation – moins de 100 UFC – de l’OMS (voir tableau). L’organisation tolère des dépassements occasionnels, pour autant qu’ils restent sous la barre des 500 UFC. Nos quatre fautifs restent donc dans les clous, raison pour laquelle nous les avons considérés comme «satisfaisant» (couleur orange).
La présence de deux substances problématiques a été, en outre, pointée du doigt après l’analyse: le Metilox et le BHT, deux antioxydants utilisés comme conservateurs. Si la toxicité du premier est jugée faible par le laboratoire, celle du second est controversée. Nicolas Roth, expert au Centre suisse de toxicologie humaine appliquée, précise qu’un effet cancérigène sur le foie des rats a été relevé, sans qu’on sache s’il est transposable à l’humain.
Du côté des producteurs, on s’en inquiète peu: Lamprecht, le fabricant des préservatifs Ceylor, explique que le BHT est utilisé pour éviter que le latex ne se dégrade. Selon lui, le taux relevé est, pour une personne de 50 kg, environ 60 fois inférieur à la dose journalière admissible fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Même constat pour Durex, qui calcule que, avec la dose relevée dans son produit Natural Feeling, il faudrait, pour une personne de 70 kg, utiliser près de 700 préservatifs par jour pour atteindre la limite. Pour tous deux, leur utilisation ne présente pas de risque. Thierry Buclin, toxicologue clinique au CHUV, confirme que ces quantités sont bien inférieures à celles appliquées dans l’alimentation et ne pense pas qu’on puisse s’intoxiquer par voie trans-muqueuse avec ces produits. Nous les avons donc considérés comme satisfaisants.
Pas d’alternative!
Pour la contamination microbienne, Durex se contente de préciser que le taux mesuré dans son Performax Intense (250 UFC) est en deçà du seuil toléré, et ne requiert donc pas de réaction particulière. La réponse de Ceylor pour le Bande verte (100 UFC) est semblable, mais le fabricant ajoute qu’il va contrôler le lot pour déterminer l’origine de la charge microbienne. La réaction la plus virulente est venue d’Ansell, fabricant des produits Manix: «La méthodologie utilisée pour décompter les germes ne s’applique pas aux préservatifs, selon les directives de l’OMS. Dès lors, les résultats ne sont absolument pas fiables», nous a répondu sa porte-parole. Une allégation que conteste Davide Staedler, directeur scientifique du Laboratoire Scitec, pour lequel la méthode est tout à fait valable.
Relevons encore que notre analyse s’est concentrée sur certains composants. Il n’est pas exclu que les préservatifs dissimulent d’autres substances problématiques. Mais on rappellera que la capote est l’unique moyen de se protéger contre les maladies sexuellement transmissibles. Et ça, c’est une certitude et non plus une présomption.
Vincent Cherpillod
En détail
Les critères du test
Nous avons envoyé les vingt préservatifs au Laboratoire Scitec de Lausanne, qui a procédé à une analyse microbiologique, puis à une détection de substances problématiques par screening GCMS. Ces techniques ont permis d’identifier les composants suivants.
1. Germes
Les experts ont relevé le nombre de germes aérobies mésophiles présents sur chaque préservatif. Ils renseignent sur la charge bactérienne globale de l’échantillon, soit son niveau de propreté. Toutes les bactéries ne sont pas nécessairement nocives pour l’homme; toutefois, l’OMS recommande un taux inférieur à de 100 UFC (unités formant une colonie) par condom, avec une tolérance pour des dépassements occasionnels n’excédant pas 500 UFC.
2. BHT
Le taux d’hydroxytoluène butylé (BHT) a été mesuré dans les deux échantillons où il a été détecté après le screening GCMS. Il s’agit d’un antioxydant synthétique utilisé comme conservateur pour éviter que le latex ou le poly-isoprène ne se dégradent. Il est aussi connu comme additif alimentaire (code E321), classé «à éviter absolument» par l’application «Codes E» de Bon à Savoir. Son utilisation est controversée. On le soupçonne d’être un perturbateur endocrinien, un allergène, et d’avoir montré un effet cancérigène chez le rat. La dose journalière admissible a d’ailleurs été revue en 2012 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
3. Metilox
Selon le laboratoire, le Metilox (un dérivé d’acide benzenopropanoïque) est un antioxydant, doté d’une faible toxicité. Il est probablement utilisé comme additif dans les emballages et aurait migré dans les préservatifs.