En choisissant des œufs bio ou d’élevage en plein air, on pense souvent acheter un produit de meilleure qualité. Erreur! Les conditions d’élevage n’influencent pas la composition des œufs. Notre enquête, effectuée avec notre partenaire, l’émission On en parle (RSR, La Première), démontre en revanche que les prix peuvent varier du simple au quadruple entre un produit de ponte au sol et un produit bio (voir tableau). Ainsi, quand le consommateur choisit des œufs chers, c’est le confort des volatiles qu’il finance au prix fort! Voyons cela d’un peu plus près.
La valeur nutritionnelle
«Plusieurs études montrent que le système d’élevage des poules, en cages, en volières ou avec parcours extérieurs n’a aucun effet sur la composition globale ou la valeur nutritionnelle de l’œuf», explique Yves Nys, spécialiste de la Station de recherche avicole de l’Institut national de recherche agronomique (INRA) à Tours, en France. Ce constat, surprenant pour le profane, est partagé par les spécialistes d’Aviforum, la référence en matière d’aviculture en Suisse.
Tout aussi surprenant, l’alimentation de la poule n’affecte pas la composition des constituants majeurs de l’œuf. «Ce dernier est fait pour produire un poussin, aussi l’élasticité de sa composition est relativement restreinte et ne concerne que les constituants présents en faible quantité», poursuit Yves Nys. Et la nature a bien fait les choses: si la nourriture n’est pas satisfaisante, l’animal ne pondra tout simplement pas.
Une étude récente comparant des produits de l’agriculture biologique et de fermes conventionnelles a certes montré des différences en acides gras polyinsaturés (oméga 3) et en cholestérol reflétant le remplacement du tourteau de soja par celui de colza, mais ces différences étaient mineures. Il est donc possible d’enrichir l’œuf en oméga 3 par le biais d’une nourriture spéciale, mais cela se fait peu en Suisse, les consommateurs en étant peu friands, constate Andreas Gloor, porte parole d’Aviforum.
Les prix
Nous avons mené notre enquête dans six grands magasins de Suisse romande en relevant systématiquement les meilleures offres (prix au 100 g) par mode d’élevage. Notre tableau montre que les produits bio sont globalement plus chers que ceux d’un élevage en plein air, lui-même plus coûteux que ceux d’un élevage au sol. Quant aux œufs de batterie, interdits de production en Suisse, mais dont l’importation est autorisée, l’offre est très faible et ils ne sont étonnamment pas les meilleur marché. Ainsi, plus le mode de détention est soucieux du bien-être des poules, plus le prix des œufs est élevé, mais, comme les conditions d’élevage n’influent pas sur la qualité de l’œuf, c’est donc le confort des volatiles qu’on paie. Et l’addition est salée. Le prix varie du simple (élevage au sol) à plus du quadruple (bio), soit de 0.40 fr. à 1.67 fr.
Pour des poules heureuses
Le mode d’élevage est mentionné sur les boîtes. Il en existe trois grands types en Suisse. Voici leurs principales caractéristiques.
- Elevage au sol: poulailler avec lumière du jour, litière, perchoirs et nids. Dix poules maximum par m2. A noter que, en Suisse, 86% des poules élevées dans ces conditions disposent aussi d’un jardin d’hiver, alors que cela reste très rare à l’étranger. Il s’agit d’une aire extérieure abritée, accessible à partir de 10 heures du matin.
- En plein air: lumière du jour, litière, perchoirs et nids. Dix poules maximum par m2. Les poules doivent pouvoir quitter le poulailler l’après-midi (herbage de 2,5 m2 par poule). Les volatiles disposent d’un jardin d’hiver en cas de mauvais temps.
- Bio: là, c’est carrément le Ritz pour les pondeuses! La densité de peuplement ne peut excéder cinq volatiles par m2 de surface utilisable. De plus, les acides aminés synthétiques et les enzymes synthétiques sont interdits dans leur alimentation. Il faut un herbage de 5 m2 par animal. Les poules pondeuses s’ébattent pendant toute la journée dans un jardin d’hiver. Elles doivent pouvoir quitter le poulailler l’après-midi sur un herbage de 5 m2 par tête. Il est interdit de détenir plus de 2000 animaux par poulailler.
Finalement, les éleveurs bien intentionnés prendront soin d’offrir quelques coqs à ces dames. Ce n’est pas une obligation légale, mais ces derniers ont une influence positive sur le comportement social de tout le troupeau! «Il sera sûr d’être traité comme un coq en pâte», plaisante l’Office vétérinaire fédéral.
Sébastien Sautebin
Pour télécharger le tableau comparatif des produits, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
Suisses ou importés?
Faut-il préférer les œufs suisses à leurs concurrents étrangers? Si l’on se réfère au risque de salmonellose, cela peut être un choix judicieux. Une politique de contrôles très stricte a fait tomber le niveau des troupeaux infectés au-dessous de 1% en Suisse, alors qu’il atteint en moyenne 30% et jusqu’à 70% dans certains pays de l’Union européenne. «Si l’on a peur des salmonelles, il faut acheter des œufs suisses», estime Andreas Gloor, porte-parole d’Aviforum.
Les œufs ont un système d’autoprotection qui garantit leur fraîcheur pendant trois semaines. En conservant l’aliment au frais, on peut facilement ajouter deux à trois semaines. Si l’on désire utiliser un œuf cru, il faut le faire dans les trois semaines après la ponte.