Libéraliser le marché de l’électricité: incontournable, si l’on en croit la majorité. Tout le monde ou presque – il subsiste quelques résistances, notamment du côté des écologistes romands – conseille, en effet, de voter «oui» le 22 septembre prochain à la Loi sur le marché de l’électricité (LME). Mais à qui va-t-elle profiter?
La libéralisation ne concernerait que la vente d’électricité, qui profiterait tout de suite aux gros utilisateurs, puis aux petits clients, qui pourraient choisir leur fournisseur dès 2009.
En revanche, la gestion du réseau de distribution resterait, elle, soumise au contrôle de l’Etat, censé garantir le maintien de sa qualité. D’une facture globale comprenant l’ensemble des prestations, on passerait donc à une facture détaillant notamment le prix de l’énergie et le coût du réseau (lire encadré).
Pour le citoyen consommateur, il en découle deux questions:
• Le tarif du kWh va-t-il baisser sous la pression de la concurrence?
• Le réseau suisse pourra-t-il toujours prétendre au même standard de qualité?
Coût de l’énergie
«Difficile de dire si le prix du courant va globalement baisser, estime Claude Chabanel, directeur de Romande Energie SA. Du moins les disparités actuelles – entre 17 ct. et 30 ct./kWh selon les régions – devraient-elles disparaître, puisque le consommateur pourra comparer les prix et choisir le fournisseur le plus avantageux.»
Cependant, on peut imaginer que les entreprises électriques proposent des actions ou des différences tarifaires selon l’heure. On se heurterait dès lors aux mêmes difficultés pour comparer les tarifs que celles qu’on connaît déjà avec les opérateurs téléphoniques.
Coût du réseau
Plus important encore: le coût du réseau (environ les deux tiers de la facture d’électricité). Aujourd’hui, il est répercuté sur tout le monde. Mais si la loi passe, les petits consommateurs risquent d’être pénalisés pour plusieurs raisons:
• Introduction des niveaux de tension: plus la densité énergétique est grande – soit, plus il y a d’utilisateurs – moins le prix de la desserte est élevé, car réparti sur un plus grand nombre d’utilisateurs. Ainsi, les lignes à haute tension coûtent moins cher que le réseau local de distribution. Et il est aussi moins onéreux d’alimenter une entreprise, qui consomme plus qu’une maison individuelle. Ce principe devrait se répercuter sur le prix (ou timbre) de distribution au désavantage des petits consommateurs.
• Zones de desserte: toutefois, ces disparités devraient théoriquement être gommées par l’établissement de zones de desserte (et d’un tarif par zone). But: fixer un prix moyen en compensant les coûts élevés des régions peu habitées (en montagne par exemple) par ceux plus bas des agglomérations. Mais attention: ce serait aux cantons de définir ces zones et il subsiste beaucoup de points d’interrogation à ce sujet.
Qualité du réseau
«La libéralisation devrait faire diminuer les coûts du réseau en augmentant son efficacité. Un exploitant peu rentable serait désormais sanctionné, relève Urs Näf, économiste, chef du service approvisionnement et marché de l’énergie à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Mais sa qualité serait garantie par la nouvelle loi.» Un argument réfuté par Daniel Brélaz, syndic et directeur des Finances de la Ville de Lausanne: «Si les entreprises sont mises sous pression pour maximiser les bénéfices, elles négligeront l’entretien. Et par conséquent, les coûts vont peut-être diminuer provisoirement. Mais après, on risque de voir les pannes se multiplier et d’en payer les conséquences financières.»
Autre effet pervers de la libéralisation: les producteurs n’auraient aucun intérêt à prévoir de nouvelles usines, puisque la pénurie fait grimper le prix du courant. D’autant plus que l’électricité n’est pas stockable et que ce marché peut donc être soumis
à de fortes fluctuations en fonction de l’offre et de la demande. «Quand il faudra impérativement construire de nouvelles unités de production fort coûteuses, leur amortissement se fera sur le dos du petit consommateur», avertit Daniel Brélaz.
Sophie Reymondin
avantage concret
Une facturation plus transparente
La facture d’électricité est composée parfois d’une taxe de base et, pour le reste, par le prix du courant (nombre de kWh consommés multiplié par le tarif en centimes par kWh). Mais elle comprend d’autres prestations, comme la maintenance du réseau ou le coût du transport de l’électri-
cité, etc. Impossible donc
de savoir exactement ce qui coûte quoi.
Si le peuple dit oui à la LME, on devrait, dès juillet 2005, recevoir une facture détaillant au minimum:
• le prix du kWh (énergie);
• lle prix du réseau très haute tension (desservant l’ensemble du pays);
• lle prix de la distribution (le transport local de l’électricité);
• lles taxes communales et cantonales (par exemple, pour l’éclairage public ou
le développement durable);
• let la TVA.