Les sources de querelles potentielles entre voisins ne manquent pas au sein d’une PPE, qu’il s’agisse d’enfants bruyants, d’escaliers laissés sales ou de la fumée intempestive d’un barbecue dominical. Or, ce qui n’était, au départ, qu’une somme de petites tensions, peut vite devenir une situation difficile à gérer sur la durée.
Dans ce contexte, l’exclusion d’un copropriétaire reste une solution de dernier recours. Elle n’intervient que lorsque toutes les autres options prévues dans le règlement d’administration se sont révélées sans effet: avertissements, rappels à l’ordre, conciliations, médiations*, amendes ou restrictions de l’utilisation des parties communes.
Majorité unanime
Afin de montrer que ce n'est pas uniquement un problème entre deux personnes, la décision doit d’ailleurs être prise à la majorité de tous les copropriétaires, moins celui dont l’exclusion est demandée. Si le lésé s’y résigne, pas de problème. Mais c’est rarement le cas et il dispose alors d’un mois à compter du jour où il a pris connaissance de la décision pour l’attaquer.
Ce sera alors au juge, et à lui seul, qu’il reviendra de décider ou non de la confirmer. Mais il faut savoir que cette mesure reste rare, car une exclusion porte gravement atteinte aux droits du copropriétaire en le privant à la fois de son bien et de son logement. Le Tribunal fédéral considère même qu’il s’agit d’une disposition s’apparentant à une forme d’expropriation privée sans pleine indemnisation!
Lors de la procédure judiciaire, qui peut se révéler longue et coûteuse, il faudra prouver que le voisin a bien été sommé de modifier son comportement, sans les effets escomptés. Il est donc conseillé d’envoyer d’éventuels avertissements par courrier recommandé en indiquant précisément les faits reprochés et en prévenant qu’une action en exclusion sera mise en œuvre si la personne n’adapte pas son comportement. De même, il convient de conserver des traces de toutes les sanctions prises, telles que des restrictions d’utilisation ou d’éventuelles actions menées par la police.
Un manquement grave
Pour obtenir l’exclusion d’un copropriétaire, il faut non seulement que la personne (ou celles dont il répond: enfants, parenté, amis ou locataire) ait enfreint ses obligations contre un ou plusieurs membres de la copropriété, mais aussi que ce manquement, qu’il soit ponctuel ou répété, soit suffisamment grave pour rendre impossible, voire dangereuse, la cohabitation avec les autres membres de la PPE.
Parmi ceux pouvant justifier l’ouverture d’une telle procédure, on peut notamment citer:
- le changement de l’affectation du bien sous une forme difficilement conciliable avec le mode de vie au sein de la communauté (par exemple, un salon de massage érotique);
- des déprédations ou des sabotages d’importance dans les parties communes (destruction de matériel dans la buanderie, dans la cage d’escalier ou dans l’ascenseur);
- la profération de menaces, de propos diffamatoires, d’insultes graves, voire d’agressions physiques répétées envers les voisins.
En règle générale, le non-versement de la part des charges et des frais communs ne constitue pas, en soi, un motif d’exclusion, tout comme le fait de laisser son chat faire ses besoins dans le jardin du voisin…
William Türler
*(A lire également «Comment bien renouveler son hypothèque», TCF 5/2013)
L'histoire de la poutre et de la paille…
Il est préférable, si on souhaite demander l’exclusion d’un membre de la communauté, de n’avoir soi-même rien à se reprocher!
A cet égard, le Tribunal fédéral a récemment publié un arrêt* renvoyant dos à dos deux copropriétaires qui se trouvaient en conflit depuis plusieurs années. Leurs relations communes avaient été ponctuées de plaintes en justice, d’injures, de voies de fait et même de lésions corporelles. Jusqu’à ce que le copropriétaire détenant la majorité des parts ait obtenu, par décision de la justice lucernoise, l’expulsion de son adversaire, qui a fait recours.
Finalement, la décision a été annulée par les juges de Mon-Repos, qui ont considéré qu’un copropriétaire ne peut en exclure un autre au motif qu’il enfreint des obligations que lui-même ne respecte pas. C’est pourquoi, toute personne souhaitant exceptionnellement mener une telle action en justice, doit au moins se comporter, elle-même, correctement.
*5A_534/2011 du 13 octobre 2011.