Tel le Petit Poucet qui jetait des cailloux pour retrouver son chemin, le consommateur laisse une trace dès qu’il utilise sa carte de crédit. Pour chaque transaction, la société émettrice dispose en effet du montant, du destinataire et du lieu de l’achat. Autant d’indications précises et précieuses sur le profil du titulaire!
Or, dans un récent courrier, UBS a avisé sa clientèle qu’elle avait modifié ses conditions générales pour pouvoir exploiter ces données à des fins de marketing: «UBS elle-même ou les tiers mandatés par UBS sont notamment autorisés à analyser lesdites données, à établir, à partir de celles-ci, les profils des clients et à les traiter à des fins d’études de marché.»
«Nous avons opté pour la transparence», explique Jean-Raphaël Fontannaz, porte-parole de UBS. Selon la banque, cette démarche est à l’avantage du client qui recevra désormais des offres ciblées. Ainsi, celui qui réserve plusieurs vols par année sera orienté vers les informations qui lui correspondent le mieux, par exemple une offre d’assurance facultative.
Dans les instructions destinées à son personnel, la grande banque précise que ces informations ne seront pas vendues. Elles resteront en outre à l’intérieur des frontières helvétiques.
Le client peut, certes, renoncer à recevoir les offres élaborées sur cette base, mais il n'empêchera pas de voir ses données personnelles exploitées, à moins de résilier sa carte. Il lui restera alors à trouver une société émettrice moins curieuse, ce qui est loin d’être facile, comme nous l’avons découvert en comparant les conditions générales d’autres prestataires.
Publicité des données
GE Money Bank, qui émet la carte de crédit Migros-Cumulus et les cartes du TCS est encore plus explicite: «Le titulaire autorise l’émettrice à utiliser les données (…) à des fins de marketing et d’analyses au sein du groupe en Suisse et à l’étranger. Le titulaire est en outre d’accord pour qu’elles (…) puissent être utilisées pour lui communiquer des produits et des prestations de service proposés par l’émettrice ou des tiers à son adresse postale, électronique ou téléphonique.» Autrement dit: chaque achat réglé avec la carte de crédit Migros-Cumulus est exploité pour cibler les offres, à moins d’exiger, par écrit, que ce ne soit pas le cas.
Plus discrètes, PostFinance, Cornèrcard et Viseca (banques cantonales, Raiffeisen et Banque Migros) n’utilisent que les informations indispensables pour établir la facture mensuelle: numéro de la carte, point d’acceptation, montant et date de la transaction.
De son côté, Swisscard, qui collabore avec Credit Suisse, SuperCardplus et la Banque Coop, est moins voyeuriste qu’elle ne le laisse entendre. Ses conditions générales l’«autoriseraient» effectivement à établir le profil de ses clients, mais pas à analyser en détail leurs achats. «Nous pourrions ainsi identifier les titulaires qui réservent beaucoup de voyages aériens, mais pas leurs destinations favorites», explique son porte-parole, Urs Knapp.
Le conditionnel reste toutefois de mise, car Swisscard n’exploite pas aujourd’hui les données des transactions et ne planifie pas de le faire dans l’immédiat. Reste que, comme ses conditions générales le prévoient déjà, elle n’aurait pas besoin d’avertir ses clients si elle franchissait le pas!
Claire Houriet Rime
Application BCV bavarde
Accéder à son compte depuis un smartphone, c’est très pratique, d’où l’intérêt de l’application BCV Mobile. Seul bémol: pour la télécharger, le client doit, là encore, accepter que ses données soient utilisées à des fins de marketing. S’il refuse, il devra renoncer à l’application.
«Cette disposition est nécessaire pour cibler les communications à la clientèle, se justifie son porte-parole, Jean-Pascal Baechler. Par exemple, pour lui présenter les fonctions de la gestion bancaire en ligne BCV-net qu’elle n’utilise pas encore.» Les données ne sont pas transmises à des tiers.