Les mousseux sont en pleine effervescence. La formule est facile, mais elle traduit une courbe de ventes festive, alors que les vins blancs et rouges tirent la langue sur le plan international. Et l’une des progressions les plus insolentes, c’est celle du prosecco et ses 411 millions de bouteilles écoulées en 2016. De quoi distancer largement le champagne en volume avec ses 306 millions d’unités!
L’embarras du choix
Populaire depuis belle lurette en Suisse alémanique, le prosecco a profité de l’engouement autour du cocktail «spritz» pour conquérir plus largement les Romands. Dans les rayons des grandes surfaces, les étiquettes ne facilitent pas le choix: dénomination d’origine contrôlée (DOC) ou dénomination d’origine contrôlée garantie (DOCG)? Brut, extra dry ou dry? Car, à l’image de la zone de production qui s’étend dans neuf provinces de la Vénétie et du Frioul, l’offre est vaste.
Le risque, c’est donc de comparer des pommes et des poires. C’est pourquoi nous avons acheté uniquement des vins produits entre Valdobbiadene et Conegliano avec la dénomination la plus exigeante (DOCG). Ils portent également tous la mention «extra dry» qui est la plus répandue. Leur teneur en sucre résiduel (entre 12 g/l à 17 g/l) est plus élevée que les «brut» (moins de 12 g/l), mais inférieure aux «dry» (de 17 g/l à 32 g/l).
Duo de tête avantageux
A l’aveugle, c’est le Porta Leone de Denner qui a fait l’unanimité auprès du jury. «C’est un beau vin sur le fruit, avec de la fraîcheur, qui représente bien la typicité du prosecco», apprécie René Roger. Sa note finale est d’autant plus remarquable que son prix (7.45 fr.) fait partie des plus doux de notre sélection!
Son dauphin, l’Allini, s’amuse, lui aussi, à faire taire les disciples du poncif «la qualité a un prix». Vendu seulement 6.95 fr. chez Lidl, il a laissé les dégustateurs sous le charme: «Le nez est expressif, avec des notes de pomme verte, alors que les bulles sont fines et persistantes. C’est une belle réussite!», s’enthousiasme Claudio De Giorgi. Le vin le plus cher, le Prestige 1821 de chez Zonin, ne démérite pas en montant sur la troisième marche du podium. «Les notes de banane et de fruits exotiques sont très agréables. Et on a un bel équilibre en bouche entre le fruit et l’acidité», souligne Claire Mallet.
Trois bouteilles dans l’évier
Pour celles et ceux qui en doutaient, le robuste bouchon des vins effervescents peut, lui aussi, réserver de mauvaises surprises. En effet, la première bouteille du Prestige 1821 et du Carpenè Malvoti étaient fortement bouchonnées. L’Astoria Corderie, lui, a semblé si déséquilibré qu’une deuxième bouteille a également été ouverte. Elle a laissé notre jury tout autant perplexe: «Le nez est lacté, réduit avec des notes désagréables», s’étonne Julie Roeslé-Fuchs. Et de suspecter un défaut méconnu du grand public, le goût de lumière (lire encadré).
Yves-Noël Grin
Défaut
Quand la lumière s’en mêle
Si le goût de bouchon est un défaut archiconnu, il n’en est pas de même pour le goût de lumière. C’est une anomalie qui touche spécialement les effervescents, mais parfois aussi les vins blancs, voire les rosés. Elle peut entraîner des goûts aussi désagréables et divers que la laine mouillée, le rance ou le chou-fleur.
«C’est un phénomène encore mal cerné, explique l’œnologue Julie Roeslé-Fuchs. On sait qu’il est dû aux rayons UV qui provoquent une photodégradation de certaines molécules du vin. Mais la réaction est très aléatoire au point qu’on ne sait pas exactement pourquoi elle se déclenche ou ne se déclenche pas.»
Ce qu’on peut dire, c’est que certains facteurs peuvent favoriser ce défaut comme les bouteilles en verre blanc qui n’ont pas le même pouvoir filtrant contre les UV. Or, le prosecco que l’on a suspecté d’être affecté par le goût de lumière était précisément le seul mousseux embouteillé dans un verre blanc… De son côté, le consommateur a tout intérêt à réduire les risques en conservant ses vins à l’abri de la lumière.