Qui veut me prêter de l’argent? Faites vos offres! Ingénieux: le «p2p lending» ou «social lending» permet de négocier aux enchères, sur internet, des petits crédits entre particuliers. Confidentiellement: tout se passe sous pseudo, seuls les gestionnaires du site connaissent les identités.
La première plateforme du genre, Zopa, a vu le jour il y a cinq ans en Angleterre et a très vite inspiré de nombreux émules, dont le Suisse Michael Borter. Cet ex-employé de banque a ainsi lancé en janvier 2008 Cashare.ch, l’unique site de p2p lending helvétique.
Quelque 750 000 fr. de prêts ont d’ores et déjà été générés par cette start-up, récompensée, l’an dernier, par un prix de l’IMD (International Institute for Management Development) à Lausanne. Le site vient aussi de s’offrir un tout nouveau look. Un joli succès, donc, qui commence à inquiéter les banques traditionnelles, court-circuitées par ce type de plateforme.
Un taux moyen de 10,5%
Mais s’agit-il vraiment du nouvel eldorado du petit crédit? Avec le p2p lending, l’emprunteur fixe lui-même le taux d’intérêt maximal qu’il est d’accord de payer. En principe, il peut donc demander moins que les 8% à 14,5% imposés par la plupart des banques et des sociétés de crédit ou même moins que les 5,9% lancés tout récemment online par la Banque Migros. Mais, à ce tarif, encore faut-il trouver des créanciers intéressés!
Car, autant le savoir, le taux d’intérêt moyen est de 10,5%, selon les indications fournies par David Stamm, le responsable de la version francophone de Cashare.ch. Et, lors de nos diverses visites de la plateforme, en mars, ce sont surtout les offres à 14% ou 15%, soit le maximum légal, qui trouvaient rapidement preneurs!
A priori, les bonnes affaires sont donc plutôt à chercher du côté des créanciers. Ceux-ci peuvent investir par tranches de 200 fr., prêter à plusieurs débiteurs à la fois, en échange de taux d’intérêts séduisants et moyennant des frais qui s’élèvent à 0,75% des emprunts annuels effectivement accordés, plus une taxe de 5 fr., prélevée lors de l’inscription sur le site.
Une somme de 10 000 fr., prêtée sur 12 mois à 10%, rapporterait donc du 9,25%, soit 925 fr. Mais, pour cela, il faut bien sûr que tous les débiteurs remboursent rubis sur l’ongle. Ce qui ne semble pas gagné d’avance lorsqu’on lit certaines demandes de crédit émanant, par exemple, de personnes visiblement dans la mouise et qui cherchent ainsi à rembourser d’autres dettes…
Tous solvables?
Avant d’obtenir un emprunt, le débiteur doit envoyer à Cashare.ch ses fiches de salaires des deux derniers mois, son bail et d’éventuels contrats de crédit en cours, entre autres. L’équipe teste aussi la solvabilité du client auprès de Teledata et de CreditCheck, puis indique sur le site le rating du client ainsi défini. Enfin, la société d’encaissement C&S Credit Management gère toutes les transactions financières et se charge de rappeler à l’ordre les mauvais payeurs.
Cela dit, le risque de retard dans les paiements, voire la perte de sa mise, ne peuvent être totalement exclus. Surtout, si le débiteur fait faillite.
David Stamm se veut néanmoins rassurant, d’après ses statistiques, dans 95% des cas, les remboursements sont réguliers et, dans 5% des cas, le créancier récupère son argent après une mise aux poursuites.
Malgré les attraits du p2p lending, il n’en demeure pas moins que tout rendement élevé est forcément corrélatif à une prise de risque élevée aussi.
Quatre conseils à ceux qui seraient prêts à courir ce risque:
- n’investir que l’argent dont on peut se passer en cas de perte;
- prêter à plusieurs personnes, afin de répartir le risque entre divers débiteurs;
- ne choisir que des débiteurs avec un rating A, le meilleur;
- tenir compte du motif de la demande de prêt et des sources de revenus.
Et, surtout, apprendre l’allemand, car 90% des utilisateurs de Cashare.ch sont Alémaniques!
Joy Demeulemeester