«Végétalisme chez l'enfant: une véritable maltraitance nutritionnelle». Le dernier dossier en date du CERIN (Centre de recherche et d'information nutritionnelle) n'y va pas avec le dos de la cuillère! Mais comme il est signé par le Pr Patrick Tounian, responsable de l'unité de nutrition pédiatrique de l'hôpital Armand Trousseau (Paris), il ne laisse personne indifférent. Même si l'auteur est coutumier des titres provocateurs et même si le CERIN n'est pas totalement neutre en la matière (lire ci-contre).
Rappel de base: les produits alimentaires d'origine animale (la viande, le poisson, et les dérivés comme le lait, les oeufs, le miel, etc.) sont les sources principales de calcium, fer, zinc, vitamine D et oméga-3, mais aussi la source exclusive de la vitamine B12. En optant pour un régime végétalien (à distinguer du végétarien, qui autorise les dérivés), il faut donc veiller à compenser les inévitables carences qu'il induit.
C'est possible pour les omégas 3 en consommant certaines huiles végétales (colza, noix, soja) ou margarines enrichies. Idem pour la vitamine D avec des supplémentations régulières. Et la carence de zinc semble ne pas être un gros problème dans les pays développés.
Calcium
Il en va autrement des carences en calcium. Les apports recommandés sont de 900 mg pour les enfants et les adultes, mais de 1200 mg pour les adolescents (10 à 18 ans). Difficile à atteindre avec les aliments végétaux, sachant que 700 g de légumes verts cuits en contiennent 300 mg, un dose qu'on obtient avec 2,5 dl de lait ou 30 g de gruyères seulement.
Fer
Idem avec le fer, où les besoins quotidiens sont estimés à 0,7 mg de 1 à 6 ans, à 1,1 mg de 7 à 11 ans, et entre 1,8 et 2,4 mg de 12 à 18 ans. Des objectifs, là aussi, difficile à atteindre sans consommer de viande et de lait, puisqu'il faut 1,3 kg d'épinard ou 14 kg de fruits pour en absorber 1 mg, alors que 80 g de foie de veau, un steak de 130 g. ou 0,5 l de lait de croissance suffisent.
Vitamine B12
Enfin les carences en vitamine B12 (cobalamine) sont, elles incontournables, puisque elle n'existe que dans le monde animal (viande, poisson, oeuf, lait). Les réserves hépatiques permettent de tenir le coup pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, mais finiront inéluctablement par s'épuiser, avec le risque de graves problèmes de santé d'ordre neurologique. Or, les travaux de littérature soulignent une prévalence très élevée de carences en vitamine B12 chez les enfants et les adolescents végétaliens.
Chez les nourrissons
Mais, s'alarme le Pr Patrick Tounian, le problème prend une dimension encore supérieure pour les nourrissons à qui les parents imposent un régime végétalien, car ils substituent le plus souvent les formules infantile préparées à partir de lait de vache par des boissons végétales à base de châtaignes, amandes, noisettes, riz ou soja. Or, selon le nutritionniste, la grande majorité d'entre elles ont des teneurs trop faibles en lipides, protéines, calcium, fer, zinc, vitamines D, K et B12, entraînant des complications nutritionnelles parfois sévères. Il existe pourtant, pour les plus réfractaires, une alternative: les préparations infantile à base de protéines végétales dont la composition respecte la réglementation européenne (les marques sont citées dans l'article), tout en soulignant que celles d'origine bio sont malheureusement aussi celles qui ne contiennent pas suffisamment de fer et de calcium.
Christian Chevrolet
Neutralité pas garantie
Le CERIN a certes la réputation d'un centre d'informations sérieux et documenté, il n'en reste pas moins le département santé de l'interprofession française des produits laitiers. Comme les végétaliens excluent le lait et ses dérivés de leur régime alimentaire, ils estiment qu'il y a conflit d'intérêt et remettent facilement en doute les publications qui les attaquent.
Le Pr Patrick Tounian est une référence dans le domaine de la nutrition infantile et l'auteur de nombreux articles de vulgarisation, notamment dans le blog du Nouvel Obs, souvent avec des titres aussi provocateurs que celui sur le végétalisme: «Non, la malbouffe ne rend pas obèse», «Les élèves zappent le petit déjeuner: et alors?», etc. Restent qu'au-delà de ses introductions et de ses conclusions souvent assassines, les arguments scientifiques sont documentés et mis en évidence avec un professionnalisme difficilement contestable.