Une lectrice d’Orbe (VD) vient de vivre une expérience pénible avec son assurance maladie complémentaire. Alors qu’elle n’avait rien demandé, elle a reçu de sa caisse une lettre qui regrettait sa décision de résilier le contrat. Quelques jours plus tôt, elle accueillait chez elle un employé d’une société de courtage indépendante, soi-disant pour toucher un bon-cadeau gagné dans le cadre d’un jeu-concours sur Facebook.
Lors de sa visite, le courtier a réussi à lui faire valider l’envoi d’une proposition «sans engagement» qui, en réalité, l’affiliait à une complémentaire (lire Nos Conseils). Le processus s’est mis en marche et une nouvelle police de Visana arrivera par la poste quelques mois plus tard. Plus grave: juste après le rendez-vous à domicile, ce mystérieux conseiller faisait parvenir à la caisse maladie de notre lectrice une lettre de résiliation. Avec, pour toute signature, une imitation de ses initiales.
Embrouillamini d’intermédiaires
A force d’explications, notre abonnée parviendra à conserver sa complémentaire et à se dépêtrer du nouveau contrat. Dans cette affaire, un employé de la société de courtage Colos, qui avait transmis la fausse lettre de résiliation, a été entendu par la police à la suite de la plainte de notre lectrice. Interrogée par Bon à Savoir, l’entreprise Colos conteste tout rôle actif dans cette affaire et admet uniquement que l’employé a fait office de postier pour une société tierce, sans révéler le nom de celle-ci. Quant au courtier de cette société inconnue, qui serait l’auteur de la signature imitée, il aurait été licencié «suite à ces pratiques».
Ce cas donne une idée des relations entre caisses maladie et sociétés de courtage. Une partie de ces dernières sont liées à des assureurs, mais d’autres opèrent pour le compte de ces entreprises liées, sous contrats ou non. Dans la même affaire, Visana indique avoir retiré à un conseiller de sa filiale M.I. Beratung l’autorisation de vendre ses produits, pour avoir partagé sans droit des données sensibles à l’extérieur. «Un cas isolé regrettable» ayant entraîné «une escroquerie». Car une chose est sûre: un courtier malhonnête a imité une signature pour toucher une commission.
Des bons-cadeaux fantomatiques
Plusieurs autres lecteurs ont payé le fait d’avoir «remporté» un jeu-concours sur Facebook ou Instagram. Comme notre habitante d’Orbe, ils n’ont jamais vu la couleur de leur récompense. Ces personnes entraient leurs données de contact pour recevoir le gain promis, d’une valeur entre 50 fr. et 100 fr. (bon d’achat, entrée pour un événement ou un établissement de loisirs, etc.). Le lendemain, un employé d’une société de courtage appelait pour indiquer qu’il viendrait amener le bon à domicile.
Attention: certains concours renvoient à des conditions générales, où il est stipulé qu’il n’y a de récompense qu’en cas de signature d’une police d’assurance. Dans d’autres cas, recevoir un conseiller est suffisant; pourtant, des promesses faites à nos lecteurs n’ont pas été tenues. Les courtiers faisaient mine d’avoir oublié le sésame, et mettaient toute leur énergie dans la promotion d’une nouvelle assurance complémentaire. S’ils ne se laissaient pas convaincre, nos abonnés ne recevaient rien, et leur contact ne répondait plus.
Mathias Kohler, de Forel-Lavaux (VD), n’a ainsi jamais obtenu ses entrées pour un match du Lausanne HC. Après une visite d’un conseiller, qui n’a pas réussi à lui vendre de complémentaire, il reçoit de l’employeur Life Privilège un document où il est prié de livrer l’identité de cinq personnes pour profiter du cadeau. Malgré ses protestations, il n’obtient pas son gain. Interrogée, la société de courtage évoque un problème d’adresse e-mail: les billets pour le match seront livrés au plus vite. Quant au fameux document demandant de livrer des contacts? No comment.
Sept affaires avec des polices Swica
Dans un cas similaire, à Ardon (VS), la même société de courtage n’a plus donné signe de vie pendant des semaines, jusqu’à ce que notre lectrice menace de porter plainte. Un bon lui a alors été envoyé, toutefois complètement différent du gain promis.
Life Privilège invoque là aussi une erreur du conseiller, assurant avoir transmis, en 2024, près de 1000 bons à des personnes qui n’ont pas toutes souscrit à des assurances.
Dans la besace de Life Privilège: des complémentaires de l’assurance maladie Swica. Cette dernière précise qu’il s’agissait d’un sous-intermédiaire de sa société de courtage Alcuris, qui n’a pas été reconduit en 2025 «pour des raisons de qualité». Pourtant, Life Privilège assure avoir toujours des liens contractuels avec Swica et «recevoir des mails chaque semaine» de l’assureur. Elle ne comprend pas cette déclaration sur la qualité de son travail: 75% de ses clients se diraient satisfaits.
La plupart des plaintes reçues par notre magazine concernent, au bout du compte, des complémentaires Swica. Les intermédiaires qui vendent des polices de cette caisse ne sont pas toujours identifiés, car ils évitent souvent d’indiquer l’identité de leur employeur aux clients.
Fin 2024, une courtière indépendante a ainsi fait miroiter des entrées pour Europa Park à un couple du Noirmont (JU), dont il n’a jamais vu la couleur. La famille s’est en revanche retrouvée affiliée contre son gré chez Swica pour 2025. Avec l’aide de notre Service juridique, la caisse a accepté d’annuler le contrat. Sans quoi la famille aurait payé 2000 fr. de complémentaires à double.
François Gilliand, de Châtel-St-Denis (FR), est lui aussi tombé dans le piège des entrées Europa Park sur Facebook. Il décrit le comportement du courtier venu chez lui: «Il a joué la carte de l’émotion, me demandant de lui laisser faire au moins une proposition sans engagement, en insistant sur le fait qu’il avait annulé un autre rendez-vous pour moi.» Résultat: notre lecteur valide un SMS, puis clique plusieurs fois en ligne, ce qui a valeur de signature pour une nouvelle police. En insistant auprès de Swica, il réussira à faire annuler le contrat. «Mais j’ai été profondément blessé par ce procédé», déplore-t-il.
Swica réagit
Interrogée, Swica dit prendre très au sérieux les infractions dont elle a connaissance et adopter les mesures appropriées pour que cela ne se reproduise pas. Mais le nombre de cas liés à des complémentaires de cette caisse maladie met en doute ses engagements: Swica fait-elle vraiment le ménage parmi les intermédiaires qui proposent ses produits? L’assureur a du moins informé ses collaborateurs: les personnes affiliées contre leur gré à une complémentaire peuvent contacter le service clientèle et présenter leur cas.
Nos conseils
Vigilance face aux subterfuges
➛ Evitez les jeux-concours sur internet et les réseaux sociaux: gagner, c’est souvent ouvrir la porte à un courtier en assurances, sans obtenir de gain en retour. De plus, en transmettant vos données de contact, vous consentez à ce que l’on vous sollicite pour vous faire des offres commerciales.
➛ Si vous accueillez un courtier, même avec la ferme intention de ne rien signer, n’acceptez pas de valider un SMSou de cliquer sur un lien pour soi-disant prouver à son employeur qu’il vous a rendu visite, ou pour que l’on vous envoie «juste une proposition d’assurance, sans engagement». Il peut s’agir d’une demande en ligne d’affiliation à une nouvelle police, qui vous lie ensuite par contrat. Cela, même sans une signature de votre part: deux ou trois clics bien placés suffisent pour vous engager.
➛ Exigez le nom du courtier et de son entreprise et recherchez-les sur le registre en ligne de la Finma: www.finma.ch/fr/autorisation/intermediation-dassurance/registersuche/ . Les sociétés de courtage non liées par un contrat d’exclusivité à un assureur, ou propriétés d’une caisse maladie, doivent y être inscrites, de même que leurs employés. Pour être considéré comme sérieux, un courtier devrait aussi avoir une occurrence sur la plateforme Cicero.ch, témoignant de son activité.
➛ On dispose d’un droit de rétractation de 14 jours pour tout type d’assurance, à partir de la signature ou de la confirmation en ligne. En cas de doutes, après la visite d’un courtier, ne tardez pas à faire valoir ce droit auprès de la caisse en question.