«Absolute return». Nul besoin d’un certificat d’anglais avancé pour comprendre ce que le terme suppose. Une multitude de petits épargnants se sont laissé séduire par ces fonds de placement dont la dénomination sous-entend un retour sur investissement assuré. Mais tous les produits n’ont pas résisté à la crise financière de 2008 pour le plus grand désarroi de leurs détenteurs.
Démarché par UBS
Serge* a été touché de plein fouet par cette déconfiture. Il a acquis 2000 parts du Fonds UBS Absolute Return Bond en février 2007 pour un total de 20 412 fr. En septembre 2008, quand l’effondrement boursier a commencé à se préciser, il a décidé de vendre ses parts pour 14 160 fr. Bilan du désastre: une perte sèche de 6252 fr. Perte d’autant plus douloureuse qu’il s’agissait d’économies que notre lecteur et sa femme avaient faites pour leur retraite.
A la base, ils n’avaient pourtant rien demandé: «Cet argent dormait tranquillement sur notre compte courant jusqu’au jour où notre conseiller financier UBS nous a proposé de le placer en prétextant qu’il était dommage de ne pas le valoriser. Il nous a expliqué que ce fonds de placement avait été spécialement créé par UBS pour ses clients et qu’il n’y avait pas de risque», rapporte Serge.
S’estimant floué par sa banque, le couple espérait qu’elle reconnaîtrait ses erreurs et lui rétrocéderait la perte essuyée. Sa lettre est restée vaine. Dans sa réponse, l’établissement estime qu’il a été suffisamment informé «des avantages, des limites, des chances et des risques» d’un tel fonds. Il considère ainsi qu’aucune violation de son obligation de diligence ne peut lui être imputée.
Schéma à répétition
Cette débâcle, UBS l’attribue logiquement aux «turbulences extrêmes des marchés» qui ont lourdement pesé sur la performance des placements et «des fonds Absolute Return en particulier». Pourtant, dans son prospectus de présentation du produit, la banque affichait une assurance à toute épreuve: «Quelles que soient les conditions des marchés financiers, nos spécialistes prennent les décisions nécessaires pour atteindre vos objectifs de placement.»
A l’instar de Serge, de nombreux petits investisseurs se sont laissé ensorceler par cet argumentaire rassurant. Et, tout comme lui, ils y ont laissé des plumes, alors qu’ils étaient convaincus de ne pas prendre de risques. A tel point qu’un collectif d’entraide a vu le jour en avril 2009: l’Association de défense des épargnants ayant souscrit au Fonds de placement Absolute Return de UBS (lire encadré).
Sur son site, le collectif a publié des témoignages qui rappellent furieusement la mésaventure de notre lecteur. Les personnes avaient un profil d’épargnants prudents et ont acquis des parts après avoir été approchés et encouragés par leur conseiller financier. Ils ont tous perdu des sommes rondelettes, alors qu’ils pensaient être à l’abri de mauvaises surprises. Car, dans leur argumentaire de vente, les conseillers financiers ont réussi à leur faire oublier qu’aucune forme de placement n’est exempte de risque, à l’exception de l’épargne traditionnelle...
Yves-Noël Grin
*Nom connu de la rédaction.
Impuissance collective
L’Association de défense des épargnants ayant souscrit au Fonds de placement Absolute Return de UBS (ADEAR) est actuellement au point mort. Réunissant une quarantaine de petits épargnants lésés, elle espérait que l’union ferait la force face à UBS pour obtenir une compensation de leurs pertes. Mais, après avoir consulté des avocats, le collectif a dû déchanter: «Il n’y a pas de base assez solide pour lancer un procès contre la banque, car ce serait sa parole contre la nôtre», déplore son président, Stefano Spaccapietra.
En début d’année, l’ADEAR a tenté, en vain, de rencontrer des responsables de UBS à Genève. La banque a décliné l’invitation en précisant que chaque épargnant devait s’adresser à sa propre agence. Pour Stefano Spaccapietra, seule une action collective pourrait changer la donne. Instrument légal qui fait encore défaut en Suisse, bien que le Conseil fédéral ait récemment manifesté son intention de le développer (lire «Actions collectives: petit à petit, l’Europe fait son nid» Bon à Savoir 9/13). D’ici là, l’ADEAR semble bel et bien dans l’impasse.