En achetant un paquet de riz basmati, vous consommerez peut-être un produit contaminé par des résidus de pesticides au-delà des normes en vigueur. La moitié du riz vendu dans notre pays vient d’Italie; le solde est presque intégralement importé d’Asie, où de nombreux producteurs recourent abondamment aux fongicides et aux insecticides pour réduire les pertes en culture. Les analyses commandées par Bon à Savoir en partenariat avec l’émission A Bon Entendeur (RTS) montrent que ces substances se retrouvent dans les riz vendus en Suisse.
Pour notre test, nous avons acheté douze riz basmati indiens ou pakistanais, dont deux chez Coop et Migros et dix dans des épiceries spécialisées. Résultat: tous les paquets contiennent des résidus de pesticides! Le Barkat Basmati, acheté chez Royal Dragon Pearl à Genève, et le Asli Prime Basmati, proposé par Dragon d’Or à Fribourg, sont les moins contaminés. Ils ne renferment qu’une substance, en quantité inférieure aux limites légales. Le laboratoire a trouvé trois à cinq résidus dans trois produits, toujours dans des teneurs conformes aux normes. Parmi eux, le Basmati Prix Garantie de Coop (trois résidus)
et le Basmatiparfumé M-Classic de Migros (cinq résidus).
Sept riz ne devraient pas être commercialisés
Les sept autres riz contiennent tous des pesticides qui dépassent les limites légales. En d’autres termes, 58% des produits achetés n’auraient pas dû être commercialisés en Suisse. Certains paquets présentent de véritables «cocktails de pesticides» avec six à treize substances différentes par échantillon (voir tableau).
De plus, l’utilisation et la commercialisation de 15 des 20 substances trouvées dans les riz (10 insecticides et 10 fongicides) ne sont pas autorisées en Suisse en raison des risques pour la santé et l’environnement. Parmi elles, des néonicotinoïdes néfastes pour les abeilles. D’autres, comme le chlorpyrifos ou le carbendazime ont été retirées en raison de leur toxicité pour les humains.
Pas de risque immédiat
Le taux élevé de non-conformité ne satisfait pas Patrick Edder. Le chimiste cantonal genevois
relève toutefois que la consommation des produits testés ne présente pas de danger immédiat: «Nous utilisons un programme d’évaluation toxicologique lors des analyses sur les pesticides, afin de déterminer s’il existe un risque aigu pour la santé. Ce n’est pas le cas ici.»
Dans la plupart des riz, les quantités trouvées dépassent à peine les limites légales. Celles-ci sont sévères pour les substances qui ne sont pas – ou plus – homologuées en Suisse: «On ne veut plus voir certains pesticides, alors ils sont le plus souvent régulés avec des limites maximales très basses de 0,01 mg/kg, proches du seuil de détection», précise Patrick Edder.
Les importateurs sont responsables
Les deux riz achetés chez Coop et Migros respectent les exigences légales. Ce n’est pas le cas pour sept des dix articles provenant de commerces spécialisés. Il ne s’agit pas d’une surprise pour Patrick Edder. Depuis plusieurs années, les contrôles effectués par le chimiste genevois montrent que les taux de non-conformité sont bien plus élevés dans les épiceries spécialisées.
Les importateurs ont un devoir d’autocontrôle. Patrick Edder souligne que, «de toute évidence, les grandes surfaces respectent mieux cette obligation» tandis qu’on observe un clair «manque de contrôle du côté des importateurs qui alimentent les commerces spécialisés».
Les analyses effectuées par le chimiste cantonal ne semblent pas suffisantes pour changer la situation. «Les choses prennent toujours un peu de temps, tempère-t-il. Quand il y a des non-conformités, on exige le retrait des produits du marché et on demande qu’un autocontrôle soit mis en place. Il faut un nouveau contrôle pour vérifier que cela a bien été fait. Et, si ce n’est pas le cas, on serre la vis. Mais il est vrai que les analyses sont assez compliquées, et que les importateurs ne peuvent pas analyser tous les lots en permanence.»
Parmi les importateurs qui nous ont répondu, la société Aggarwal, dont le riz renferme le plus de pesticides. Son fournisseur lui aurait assuré que le produit était conforme. Aggarwal suppose que le problème vient du fait qu’un seul sac aurait été analysé alors que le lot proviendrait de différents agriculteurs. L’un d’entre eux n’aurait pas respecté les instructions relatives aux pesticides. L'importateur affirme vouloir modifier les protocoles d’analyses afin que les échantillons soient prélevés correctement.
Plusieurs commerçants se sont déclarés surpris des résultats de notre test et ont contacté leur importateur. Les épiceries qui nous ont répondu affirment toutes avoir immédiatement retiré le riz non conforme de leurs rayons.
Limiter son exposition aux pesticides
Les riz non conformes de notre test présentent-ils un risque à long terme, en raison des résidus de substances indésirables qu’ils renferment? Une évaluation a été menée par Aurélie Berthet, responsable de l’Unité santé environnementale à Unisanté, à Lausanne. La spécialiste s’est basée sur les doses journalières admissibles (DJA) établies par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire.
La DJA représente la quantité d’une substance à laquelle on peut être exposé chaque jour de sa vie sans danger pour la santé. Aurélie Berthet a effectué un calcul pour une femme de 50 kg, un homme de 70 kg, et un enfant de 10 kg, qui consommeraient 100 g de riz par jour. Bonne nouvelle: tous nos échantillons demeurent bien en dessous de la DJA.
Attention: le calcul ne vaut que pour un pesticide dans une denrée. Or, rappelle la scientifique, «on ne mange pas que du riz». D’autres aliments peuvent comprendre la même substance, qui va s’additionner. Sans oublier «l’effet cocktail»: la possibilité que le mélange de plusieurs pesticides provoque un effet toxique à des concentrations plus faibles que les molécules prises séparément. Selon Aurélie Berthet, «le risque d’effet cocktail augmente clairement avec le nombre de résidus». Il est donc judicieux de consommer du riz présentant un minimum de pesticides.
Des riz de plus en plus malades
Les pesticides trouvés sont utilisés couramment dans la culture du riz. Selon le chimiste cantonal genevois, Patrick Edder, qui a procédé aux analyses, la présence de nombreux résidus dans certains échantillons s’explique, d’une part, par le fait que des riz de plusieurs agriculteurs peuvent être mélangés et se retrouver dans un même emballage. «D’autre part, les producteurs recourent de plus en plus à des mélanges de substances, car les riz sont davantage sujets aux maladies. On cultive de moins en moins d’espèces, ce qui engendre une sorte d’appauvrissement génétique rendant les riz sensibles.»