Marie-Claude a l’œil. Notre lectrice de Founex (VD) a vu sa boîte de pralinés préférée fondre soudainement. Son poids a diminué, passant de 407 g à 356 g, sans que le prix ne soit modifié. Photos à l’appui, elle nous a signalé que le paquet, régulièrement mis en action, est passé de 2.44 fr. à 2.79 fr. les 100 g en quelques mois (prix soldé à -50% dans les deux cas). Une hausse de presque 15%. La cliente de Coop a dû constater elle-même l’augmentation, puisque les magasins suisses ne sont pas contraints d’afficher les variations de prix de cette sorte.
Dans plusieurs pays européens au contraire, les supermarchés signalent ces cas. L’enseigne française Carrefour l’affiche directement en rayons depuis l’automne dernier. On y trouve des étiquettes avec, en gros caractères, le terme Shrinkflation: un néologisme mêlant «to shrink» (rétrécir, en anglais) et inflation.
Les chaînes de magasins Netto en Allemagne et Intermarché en France annoncent également ces changements, au cas par cas. Chez Netto, un panneau indique que «le fabricant a réduit le contenu du produit et augmenté son prix».
Transparence en France
Le gouvernement français a présenté un règlement à l’Union européenne fin 2023. Selon ce texte, les magasins seraient obligés d’étiqueter en rayon les produits dont la taille de l’emballage a été modifiée et de déclarer dans quelle mesure le prix a augmenté.
La clientèle suisse pourra-t-elle bientôt compter sur une plus grande transparence? Aldi, Lidl et Migros ne s’expriment pas à ce sujet. Coop déclare qu’elle publie déjà les augmentations de prix dans le Journal Coop lorsqu’elles sont «inévitables».
De 7% à 14% plus cher
Le procédé est très répandu, comme le montrent plusieurs exemples observés par Bon à Savoir:
- Le groupe agroindustriel Mars a réduit la taille de plusieurs emballages, l’année dernière. Le riz express de Ben’s Original n’a plus qu’une contenance de 220 g au lieu de 250 g.Certes, le prix a apparemment baissé, passant de 3.50 fr. à 3.30 fr. Mais, ramené aux 100 g, cela représente une majoration cachée de 7%.
- Les barres chocolatées Mars et Snickers sont désormais vendues par cinq et non par six. Le prix de l’emballage a baissé. Mais leur coût à l’unité est passé de 54 centimes à 59 centimes chez Coop. Une augmentation de 9%.
- Danone a réduit la taille du pot de yaourt végétalien Alpro de 500 g à 400 g. Le prix a apparemment baissé, passant de 2.95 fr. à 2.75 fr. Converti aux 100 g, il s’agit d’une augmentation de 16%.
- Fin 2023, les Doritos du fabricant Pepsico coûtaient 1.89 fr., en promotion chez Aldi, pour 110 g. Un an auparavant, on trouvait encore 125 g de chips à ce prix. Résultat: une majoration cachée de 14%.
L’excuse du changement de recette
Devant certains exemples soulevés par Bon à Savoir, les fabricants avancent une explication: une nouvelle recette. Le résultat final est, malgré tout, une augmentation de prix.
Fidèle client de la marque Nahrin, notre lecteur Christian nous a ainsi signalé le cas de la soupe asiatique aux légumes, qu’il a l’habitude d’acheter. Ce Valaisan a vu l’article passer de 36 fr. pour 480 g à une boîte de 260 g coûtant 25.90 fr. «Pour autant que je sache calculer cela fait quand même plus de 32% d’augmentation en une année», s’étonne notre lecteur. Contacté, le fabricant justifie cette augmentation par la modification de la recette, vantée comme plus naturelle et végétarienne. Nahrin indique que la boîte était «trop grande», selon les retours de ses clients. L’entreprise a donc décidé de réduire le volume et «une boîte plus petite entraîne toujours un prix légèrement plus élevé par unité de poids», argumente la marque.
Quant aux propriétaires de chats, ils doivent payer près d’un tiers de plus pour les aliments de la marque Whiskas, après que le fabricant Mars, qui détient cette marque, a réduit la taille des Classic Meals, de 100 g à 85 g. Malgré un contenu réduit, un repas pour chat coûte désormais 75 centimes au lieu de 67 centimes auparavant. Le prix, plus élevé de 12%, est justifié parce que la composition a été adaptée, se défend le géant de l’alimentation.
D’autres fabricants expliquent la hausse des prix par l’augmentation des coûts, par exemple des matières premières ou des transports. Selon une étude du Fonds monétaire international, la hausse des prix entre 2022 et 2023 n’était toutefois justifiée que pour moitié par l’augmentation des coûts. L’autre moitié a été perçue par les groupes comme un bénéfice supplémentaire.
Roger Müller / Amélie Fasel
Ouvrez l’œil et soupesez
Vos témoignages sont précieux! Si, comme nos lecteurs Marie-Claude et Christian, vous observez des variations de prix déguisées, n’hésitez pas à les signaler à Bon à Savoir ([email protected]) avec des photos ou tickets de caisse affichant les anciens prix et poids.
Par ailleurs, certains magasins risquent de justifier des hausses par l’augmentation de la TVA, appliquée depuis janvier 2024. Notre calculateur en ligne vous permet de vérifier si la hausse est adaptée, en un coup d’œil.
Repérez le prix aux 100 grammes
A côté du prix de vente, le prix final, les magasins sont tenus d’afficher ce que l’on appelle le prix de base. C’est-à-dire le prix au kilo ou aux 100 g. Cela permet de comparer les prix des différentes tailles d’emballage en rayon.
Attention au terme «nouveau»: il faut se méfier des changements annoncés de manière tapageuse sur le marché, tels que «nouveau format!», «nouveau design!» ou «nouvelle recette!», prétextes souvent utilisés pour hausser les coûts.