Prenez un paquet de bonbons, par exemple les Prima Multivitamin vendus par Migros. Leur étiquetage précise que 100 g de cette friandise contiennent «91 g de glucides, dont 61 g de sucres» (voir illustration en médaillon). Ces indications agacent Corinne Kehl, enseignante à la Haute Ecole de santé (HES), de Genève: «S’il y a 61 g de sucres pour 91 g de glucides, à quoi peuvent bien correspondent les 30 g restants?» Réponse du géant orange: le fabricant utilise «un sirop de glucose contenant une grande part d’oligosaccharides». Il s’agit bien de glucides, mais qui ne sont pas considérés comme des sucres par l’ordonnance fédérale sur les sucres, les denrées alimentaires sucrées et les produits à base de cacao. «La déclaration de ce produit est correcte», s’empresse d’ajouter le grand distributeur.
L’explication ne satisfait guère Corinne Kehl: d’une part, parce que la présence de ces oligosaccharides n’est pas mentionnée sur le paquet de bonbons et, d’autre part, parce que le sirop de glucoses, qui, lui, figure sur l’emballage, est classé par la loi parmi les sucres!
Changer l’étiquetage
«Le problème n’est pas anodin, car la quantité de sucres consommés peut avoir un effet sur la santé et la quantité de sucres indiquée sur l’emballage peut influencer le choix du consommateur», estime Corinne Kehl. Selon elle, les oligosaccharides ont un effet identique aux sucres ajoutés, dont l’absorption en trop grandes quantités contribue à l’excès pondéral et à l’obésité, particulièrement chez les enfants (lire encadré). Mais la loi, telle qu’elle est conçue, leur permet d’échapper à l’appellation «sucres». L’enseignante soupçonne certains fabricants de jouer avec la législation actuelle et d’utiliser des oligosaccharides pour donner l’impression que la part des sucres dans leurs produits est plus faible qu’elle ne l’est vraiment. «L’étiquetage actuel des denrées alimentaires ne permet pas de repérer de façon fiable la part des sucres ajoutés, résume Corinne Kehl. Dans l’idéal, ils devraient être indiqués séparément des glucides naturellement présents dans les aliments.»
Nous avons demandé l’avis de Bernard Klein, chimiste cantonal vaudois. Ce dernier remarque qu’il existe plusieurs types d’oligosaccharides et que l’intestin est incapable d’en digérer certains qui n’ont, de ce fait, pas d’apport calorique. D’autres, en revanche, ont effectivement un apport calorique similaire aux sucres. Toute la question est de savoir auxquels on a affaire dans un produit alimentaire.
L’avis du chimiste
Bernard Klein apporte une solution pour les sucreries: regarder la valeur énergétique, qui figure sur les emballages. Dans le cas de notre exemple des bonbons Prima Multivitamin, elle est de 367 kcal pour 100 g. Les glucides digestibles ayant, comme les sucres, un apport de 4 calories par gramme, on en déduit logiquement que les 91 g de glucides sont tous digestibles (91 x 4 = 364, le solde provient de concentré de jus de fruits).
Les oligosaccharides contenus dans ce produit fournissent donc autant de calories que les sucres, ce qui confirme les soupçons de Corinne Kehl et, surtout, le manque de clarté de l’étiquetage actuel.
Sébastien Sautebin
CONSEIL PRATIQUE
Le problème des sucres ajoutés
Les sucres ajoutés se retrouvent dans de nombreux aliments et en abondance dans les sodas. Ils sont ce qu’on appelle des calories vides: ils procurent de l’énergie, mais n’apportent pas de nutriments bénéfiques pour la santé (fibres, vitamines, etc.). On recommande de modérer leur consommation pour les raisons suivantes:
- ils augmentent la densité énergétique des aliments;
- ils ne provoquent qu’un faible effet de satiété;
- ils ont un index glycémique élevé;
- ils facilitent l’apparition des caries.
Ils contribuent donc fortement à l’excès pondéral et à l’obésité, particulièrement chez l’enfant.