«Doit-on louer ou vendre notre appartement pour financer en partie la construction de notre maison?» se demandent Eléonore et Jacques Bünchen*. Propriétaires d’un appartement dans la région de Sion, ils s’apprêtent à construire une villa. «Cela fait vingt ans que je caresse l’idée d’avoir une maison, raconte Eléonore, 46 ans. Réaliser notre propre projet, ce n’est pas la même chose que d’acheter un appartement sur plan!» Eléonore est néanmoins loin de se plaindre. Et pour cause. Son logis, acheté en 2001, est franchement spacieux: 130 m2 en duplex.
Alors que d’autres devraient sans hésiter vendre leur bien pour investir l’argent récolté dans leur futur logement, le couple Bünchen a la chance d’avoir le choix: il a les moyens. Il peut faire valoir le terrain de sa future maison, récemment acquis pour la somme de 150 000 fr., en tant que fonds propres. Eléonore et Jacques envisagent donc de contracter une seconde hypothèque sur le prix de la maison, devisé à 650 000 fr.
Eléonore et Jacques sont bien partis, mais ils savent qu’ils devront néanmoins faire un effort pour obtenir un prêt. En puisant la somme de 20 000 fr. dans leur épargne afin de diminuer d’autant leur hypothèque, ils satisferont aux deux exigences de la banque: les charges (amortissement, intérêts hypothécaires et frais d’entretien) de la construction ne dépasseront pas le tiers de leurs revenus bruts et leurs fonds propres atteindront la barre des 20% du coût total. Leur nouvelle hypothèque, elle, sera de 630 000 fr.
Le «salaire» du propriétaire
Pour savoir s’il est financièrement intéressant de conserver l’appartement, il convient d’en estimer le rendement. Deux chiffres sont pour cela nécessaires: le loyer net et le montant des fonds propres investis dans l’appartement.
Eléonore et Jacques ont d’abord besoin de définir le loyer qu’ils exigeront d’un locataire. Ils auraient pu demander l’avis d’une gérance, mais ils se sont basés sur l’estimation de la valeur de leur appartement que leur ont présentée deux banques. Celles-ci ont avancé un chiffre concordant: l’appartement vaut actuellement 522 000 fr., le garage 23 000 fr. Eléonore et Jacques en ont conclu qu’ils loueraient leur appartement 2040 fr. par mois, charges non comprises.
A partir de ce montant, on obtient le loyer net (voir schéma et explications page 10), à savoir le loyer brut déduit des charges immobilières (hypothèque et entretien) ainsi que des impôts. Il est de 5665 fr. C’est un peu le «salaire» du propriétaire.
Bon rendement
Les fonds propres investis dans l’appartement s’élèvent, eux, à 210 000 fr. Ils correspondent à la somme que les Bünchen gagneraient s’ils vendaient leur appartement. Le montant s’obtient en soustrayant le total des hypothèques actuelles (185 000 + 150 000 = 335 000 fr.) de la valeur marchande de l’appartement (522 000 + 23 000 = 545 000 fr., voir tableau «Ce qu’ils possèdent»).
Ne reste plus qu’à calculer le rendement.
- Loyer brut (avant impôts): 7890 : 210 000 = 3,8%
- Loyer net: 665 : 210 000 = 2,7%
Selon Roland Bron, directeur de la société VZ VermögensZentrum en Suisse romande, ce résultat est bon: «Si le couple utilisait ses 210 000 fr. pour acheter des obligations, il obtiendrait une rentabilité inférieure, car, à l’heure actuelle, le rendement des obligations placées à cinq ans n’est que de 1,5% brut.» Et encore, les frais d’entretien (voir schéma et explications) ont été volontairement surestimés! Du coup, le rendement de l’appartement sera probablement meilleur encore.
Evidemment, cette variante n’est pas sans risques: il faut trouver un locataire! Le prix de l’immobilier peut également chuter. «Pour avoir discuté de la question avec un promoteur de la région, il semble que la demande en logements est forte dans le quartier, tant à la vente qu’à la location», assure Eléonore.
Que le rendement soit bon n’est pas sans réjouir la quadragénaire. Mais de la Bourse, elle n’a cure! «Mon mari et moi ne sommes pas forts en chiffres!» En cas de vente, l’argent irait directement dans la nouvelle maison. Reste à savoir si cette opération est plus avantageuse que la location.
Comparer
La comparaison des coûts engendrés par chacune des variantes (voir tableau) montre que la location de l’appartement leur reviendra bien moins cher – à court terme en tout cas – que de le vendre.
Cette comparaison appelle quelques explications. Dans la partie du tableau concernant la location, l’hypothèque de la maison est de 630 000 fr. à un taux d’intérêt réaliste de 3%, car ils financeront leur maison ainsi. Pour éviter que l’impôt ne soit considéré deux fois, il faut utiliser le loyer de l’appartement avant contributions (7890 fr.). Au total, le coût de l’option location s’élève à 37 613 fr.
Le cas de la vente est plus subtil. L’hypothèque qu’ils devront conclure pour la maison sera moins importante grâce à l’argent de la vente. Elle sera plus précisément de 420 000 fr. (630 000 – 210 000 fr.). A ce moment-là, ils auront intérêt à transférer les 335 000 fr. de l’hypothèque de leur appartement (ils paient actuellement 13 498 fr. d’intérêts chaque année) sur leur maison plutôt que de rompre le contrat, étant donné que son échéance est en 2012. «Contrairement au transfert, peu coûteux, une rupture de contrat entraînerait plusieurs milliers de francs de pénalité», insiste Roland Bron. Eléonore et Jacques compléteront ensuite le solde (420 000 – 335 000 = 85 000 fr.) par une nouvelle hypothèque au taux crédible de 3%, soit une charge annuelle de 2550 fr. Ils payeront donc 16 048 fr. d’intérêts hypothécaires et, en tout, la version vente reviendra à 41 869 fr.
Louer = économie de 4256 fr.
Bref, le tableau montre que l’économie sera de 4256 fr. «Vu le chiffre, je pense que nous allons garder l’appartement, analyse Eléonore. En plus, c’est un placement intéressant, et on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir.» Le couple aura certes moins de marge de manœuvre pour négocier son hypothèque, mais, d’un autre côté, son bien immobilier rassurera la banque.
Gérer une location n’est pas une sinécure. Si les Bünchen veulent être délestés de cette tâche en faisant appel à une gérance, ils devront débourser environ 5% du loyer espéré (avec les charges!), soit 1404 fr. par année. Et le rendement net ne sera plus que de 2%… Conclusion: «Nous nous en occuperons nous-mêmes…»
Nicolas Zeitoun
Pour télécharger les tableaux, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
Calculer le loyer net
- 2040 fr. de loyer x 12 mois = 24 480 fr.
- (150 000 x 4,25%) + (185 000 x 2,7%) = 11 370 fr.
Le couple a deux hypothèques: une de 150 000 fr. au taux fixe de 4,25% (valable jusqu’en 2012) et une autre de 185 000 fr. en portfolio (taux d’intérêt variable basé sur d’autres taux «lissés»). Pour simplifier, nous avons pris un taux de 2,7% fixe à cinq ans. Il correspond à ce qu’on trouve actuellement sur le marché. - 1% x 522 000 = 5220 fr.
Pour la rénovation d’un bien immobilier, on considère en général qu’il faut prévoir entre 0,5% et 1,5% de la valeur marchande (vénale), variable selon l’ancienneté du bâtiment. Nous avons utilisé 1%, mais, en réalité, ce taux est de 0,6%, parce que le logement des Bünchen est récent. - 24 480 – 11 370 – 5220 = 7890 fr.
Ce montant intermédiaire est nécessaire pour savoir quelle est, entre la location ou la vente de l’appartement, la variante la plus avantageuse. - 7890 x 28,2% = 2225 fr.
Un taux marginal d’imposition de 28,2% (projection) est utilisé. - 7890- 2225 = 5665 fr.
C’est le loyer net que pourront encaisser Eléonore et Jacques.
Télécharger le budget d'Eléonore et Jacques
Télécharger le graphique du loyer net