L’amateur de bière paie aujourd’hui, en Suisse, une moyenne de 4.87 fr. pour se faire servir un verre de 3 dl au restaurant. C’est 20% de plus qu’il y a cinq ans, comme le démontrent les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Or, durant la même période, le renchérissement a reculé!
Cette augmentation est due en partie aux marges des restaurateurs, qui facturent quatre à cinq fois le prix payé au fournisseur. Mais elle est aussi boostée par la politique délibérée des brasseries. Ainsi, la bière de Feldschlösschen revient, en 2013, 39% plus cher qu’en 2003 aux distributeurs qui la commandent en fûts de 20 litres.
Autre constat contradictoire: plus la part de marché est importante, plus les prix partent à la hausse (voir tableau ci-contre)! A un tel point que les produits des petites brasseries sont, aujourd’hui, meilleur marché que ceux des géants de la production.
Ce qui fait dire, même dans les milieux très officiels de l’hôtellerie, qu’il existe une entente cartellaire tacite sur le prix de la bière. La preuve en est les énormes différences de prix entre les divers canaux de vente. Exemple: depuis 2003, le prix de la bière n’a augmenté «que» de 8,2% dans les magasins, comme le confirment les chiffres de l’Office fédéral de la statistique. Ce qui a poussé la section bâloise de GastroSuisse à déposer, l’été dernier, une plainte auprès de la Comco (Commission de la concurrence) contre le groupe Feldschlösschen qui, selon elle, partage une position dominante avec Heineken Suisse sur le marché de la bière. La décision n’a pas encore été rendue.
Le tandem détient 75% du marché
Ces soupçons ne tombent pas du ciel. En 2008, Heineken reprend Eichhof, numéro trois des brasseries suisses. Depuis lors, elle détient, avec Feldschlösschen, 75% du marché intérieur de la bière. Et, depuis lors aussi, les prix des deux protagonistes ont augmenté quatre fois, à peu près au même rythme.
C’est d’ailleurs à l’occasion d’une de ces hausses que, l’an dernier, Stefan Meierhans, alias Monsieur Prix, a ouvert une enquête, elle aussi toujours en cours: «Nous nous intéressons aux prix, aux frais et aux marges des brasseries», soulignait-il à l’époque. Car, en comparaison, la petite Brasserie Rosengarten n’a pas augmenté ses prix depuis 2003! Du coup, sa bière est devenue bien meilleur marché pour les restaurateurs que celle des deux leaders.
Encore 320 petites brasseries
De leur côté, Feldschlösschen et Heineken expliquent que le marché suisse est confronté à une concurrence intense, avec quelque 320 petites brasseries. Heineken confirme donc les hausses de prix, mais souligne que les ristournes aux restaurateurs ont également augmenté et que ces derniers bénéficient aussi de services nettement plus performants. L’augmentation nette des prix ne serait donc, selon elles, que de 5% depuis 2003.
Christian Chevrolet
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