Neuf francs le kilo de chou-fleur «bio»: cela paraît cher payer pour un légume de saison. Que les prix des produits biologiques soient majorés, c’est évident. Mais il existe des différences considérables, que notre enquête du 30 octobre dernier à la Migros, à la Coop et au marché de Lausanne met clairement en évidence. Nous y avons, en effet, relevé les prix de dix légumes de sai-son de production intégrée et de culture biologique (voir tableau en page 5).
La loi du marché
Tout d’abord, il faut savoir que le marché des légumes est très fluctuant, vu qu’il s’agit de produits périssables. «C’est un marché libre, où s’applique la loi de l’offre et de la demande», remarque Yves Vulcan, directeur de l’Office maraîcher vaudois. Donc, plus un légume est rare, qu’il soit «bio» ou non, plus il est cher, et inversement.
Le prix proposé au consommateur dépend:
• du prix de production: soit le prix auquel les distributeurs achètent les légumes aux producteurs. Pour aider ceux-ci à défendre leurs intérêts, des prix indicatifs sont fixés par les corporations de maraîchers, au niveau régional et suisse.
• de la marge du distributeur (Migros et Coop détiennent les 80% du marché): elle permet de financer la distribution, le transport, la logistique, les frais de vente, le personnel, les invendus, etc. Et, en principe, de dégager un bénéfice.
«A Migros Vaud, nous prélevons 5% de marge en plus au maximum sur les légumes biologiques par rapport à la production intégrée, indique Jacqueline Pisler, porte-parole de Migros Vaud. Car dans le bio, nous travaillons avec de petits volumes et les pertes sont beaucoup plus importantes. De plus, Migros s’efforce d’offrir une variété de légumes aussi large que possible de l’ouverture à la fermeture.»
Coop modifie le calcul de ses marges en faveur des consommateurs de bio: à la place d’une marge en pour-cent, le grand distributeur a introduit une marge constante en francs sur les légu-mes biologiques. «Ce qui
devrait faire baisser leur prix», remarque Joerg Birnstiel, porte-parole de Coop.
Les aléas du bio
Reste que la différence de prix entre les légumes «bio» et non «bio» s’explique surtout par le mode de production (lire encadré). «On fait de l’agriculture biologique par conviction, pas par profit», lance Monika Schwarz, exploitante agricole et maraîchère selon la méthode Bio-Dynamique (label Demeter). De fait, la production biologique requiert une main-d’œuvre beaucoup plus importante, par exemple à cause du désherbage des carottes à la main. Les engrais chimiques étant d’autre part interdits, certains légumes restent très petits, les choux-fleurs notamment. Et lorsque les légumes sont attaqués par des parasites, les producteurs bio manquent de moyens pour réagir: «Cette année, nous avons perdu environ un tiers de la récolte des choux-fleurs, remarque Monika Schwarz. Et les pommes de terre, tout comme les poireaux, ont aussi souffert des insectes.» Autre difficulté: les plants «bio» sont très onéreux. C’est le cas, par exemple, des oignons, qui demandent un gros investissement de départ, puis beaucoup de main-d’œuvre. Sans compter, que cette année ils se sont très mal conservés!
Prix justifiés
Ces aléas de la production expliquent pourquoi les prix de certains légumes bio sont soumis à des variations importantes. «Le plus souvent ils sont justifiés, estime Denis Pache, maraîcher et président de l’Association romande des marchés paysans.
Mais il faut reconnaître, que tout le monde ne peut pas payer le prix d’une qualité bio.» Logique donc, mais logique réservée aux riches...
Sophie Reymondin
agriculture
Des modes de production
plus ou moins écologiques
Il existe trois modes de production maraîchère en Suisse:
• Le mode de production «conventionnel», qui n’exige pas le respect des prestations écologiques requises (PER) et ne donne donc pas droit aux contributions fédérales. Les conditions-cadre de l’agriculture conventionnelle sont fixées par diverses lois fédérales, limitant notamment l’emploi des produits phytosanitaires. Les produits ne bénéficient d’aucun label.
• La production intégrée (PI): environ 85% des légumes suisses répondent à ce niveau de qualité, qui requiert le respect des PER, et ouvre la porte aux subventions fédérales. Outre un emploi modéré des engrais et fertilisants, les producteurs doivent respecter un bilan de fumure équilibré dans l’exploitation, mais aussi prévoir des surfaces de compensation écologique. Les légumes ainsi produits portent soit le label IP Suisse, soit le label PI.
• La production biologique: l’Ordonnance fédérale sur les produits biologiques fixe les exigences minimales imposées à tous les produits «bio» d’origine végétale: la préservation à long terme de la fertilité du sol, la promotion de la biodiversité, l’interdiction des engrais chimiques et, notamment, l’interdictiond’utiliser des OGM. Trois labels dominent ce type de marché en Suisse: le bourgeon de Bio suisse, Migros Bio et — le plus astreignant — le label Demeter.