Deux ans après avoir conclu des contrats d’acquisition de vaccins contre le Covid-19 avec les fabricants Moderna, Pfizer, Astra Zeneca, Janssen, Novavax et Curevac, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a enfin rendu public leur contenu. Bon à Savoir avait, avec notre partenaire alémanique K-Tipp, demandé à consulter ces documents en nous appuyant sur la Loi sur la transparence. Des parlementaires ainsi que des particuliers avaient fait de même. Cet été, l’OFSP a obtempéré. Sauf que, entre-temps, de nombreux passages ont été caviardés.
Le département du ministre de la Santé, Alain Berset, continue de dissimuler les informations les plus importantes: combien d’argent du contribuable la Confédération a-t-elle payé pour les doses de vaccin? Quelles garanties nos autorités ont-elles reçu des fabricants quant à leur efficacité? Les groupes pharmaceutiques peuvent-ils être tenus pour responsables en cas de dommages pour la santé liés à la vaccination?
Le contrat conclu entre la Confédération et le groupe pharmaceutique Moderna, par exemple, a été signé par la directrice de l’OFSP, Anne Lévy Goldblum. Dans le document, elle garantit la confidentialité au fournisseur de vaccins. Il a été prévu que, si des médias devaient exiger d’avoir accès au texte, en vertu de la Loi sur la transparence, certaines parties du contrat ne pourraient être divulguées que après avoir consulté Moderna. En d’autres termes, l’Office fédéral de la santé publique se moque de la loi et permet aux fournisseurs de vaccins de décider qui peut avoir accès ou non au contenu des contrats.
Or, l’information a son importance. En octobre, le Conseil fédéral a annoncé que 9 millions de doses de vaccin contre le
Covid-19 périmées seraient éliminées. Coût de l’opération? 1500 à 3000 fr. par million de doses, auxquels les autorités se gardent bien d’ajouter le prix d’achat.
Droit à la transparence des coûts de la santé
Même opacité en ce qui concerne les médicaments. Payer des primes maladie ne garantit pas d’avoir accès à une transparence des prix. En août 2020, avec K-Tipp, nous avions a exigé la divulgation des prix confidentiels de onze médicaments particulièrement chers dont les coûts sont couverts par les caisses maladie. Cette requête s’appuyait sur l’argument suivant: les prix des médicaments sont négociés entre l’OFSP et les entreprises pharmaceutiques. Or, les assurés, qui paient des primes, ont le droit de connaître ces prix. Les coûts de la santé doivent être transparents.
A la fin juillet, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Adrian Lobsiger, nous a donné raison. Il a recommandé à l’OFSP de publier les contrats. Les entreprises pharmaceutiques sont intervenues contre cette recommandation auprès de l’Office. A la fin août, la Confédération a statué dans le sens de l’industrie pharmaceutique et a refusé de publier les prix. Dans sa décision, l’Office fédéral justifie sa position par le fait que les prix des médicaments sont des secrets commerciaux. Les rendre publics reviendrait à priver les fabricants «d’un avantage concurrentiel». Bon à Savoir et K-Tipp ne lâchent pas l’affaire et continuent d’exiger la divulgation de ces prix. La prochaine décision sera prise par le Tribunal administratif fédéral.
Selon une étude de l’Université de Zurich, le maintien du secret sur les prix ne garantit pas des médicaments moins chers ou plus rapidement disponibles.
Max Fischer & Eric Breitinger / gc
L’opacité profite aussi aux assureurs
Les caisses maladie bénéficient également du secret qui entoure les prix des médicaments. Elles reçoivent des ristournes sur le chiffre d’affaires de certains d’entre eux de la part des entreprises pharmaceutiques. Il existe environ 65 modèles de calcul différents: certains fabricants remboursent de l’argent pour chaque boîte vendue, d’autres lorsque le chiffre d’affaires annuel de leur médicament dépasse un certain seuil. Les producteurs paient directement les caisses maladie ou alimentent une cagnotte destinée à tous les assureurs auprès de la Fondation Institution commune LAmal. Au premier semestre 2022, 13 millions de francs avaient déjà été versés. Les caisses ne précisent pas à quelle fin elles utilisent cet argent.