Un téléviseur qui tombe en panne juste après l’expiration de la garantie légale ou un smartphone devenu inutilisable, faute de pouvoir faire les mises à jour: la plupart d’entre nous ont déjà fait l’expérience, sans forcément se rendre compte de l’obsolescence programmée, une stratégie qui vise à réduire la durée de vie des biens dès leur conception, afin d’inciter les consommateurs à les remplacer périodiquement. Certes, il n’est pas question de parler de complot général de la part des fabricants, l’obsolescence programmée étant effectivement difficile à prouver. Toutefois, il est certain que de très nombreux appareils sont aujourd’hui conçus pour durer moins longtemps.
Plusieurs visages
Selon un récent rapport du Centre européen de la consommation, cette «mort programmée» prend plusieurs formes.
> L’obsolescence indirecte concerne principalement les accessoires. C’est la forme la plus extrême selon ledit centre, car elle rend les produits obsolètes, alors qu’ils sont encore fonctionnels. Ainsi, sur les téléphones portables, il est parfois impossible d’enlever la batterie ou de la remplacer. Idem pour les chargeurs. L’exemple le plus connu est sans conteste celui des batteries inamovibles des iPod de 1re, 2e et 3e générations qui ne fonctionnaient que 18 mois avant de tomber en panne. Apple n’ayant pas prévu de batterie de remplacement, les consommateurs étaient obligés d’acheter un nouveau modèle. Sous la menace d’une «class action» aux Etats-Unis, la marque à la pomme a finalement décidé de dédommager les clients et de proposer des batteries de remplacement par le biais de son service après-vente.
> L’obsolescence par défaut fonctionnel vise, elle, à avancer la fin de vie de l’appareil. Si une seule et unique pièce tombe en rade, il cesse de fonctionner! Les machines à laver seraient, par exemple, programmées pour succomber à une panne fatale après 2000 à 2500 cycles de lavage, soit un peu moins de 10 ans d’utilisation. Sans compter que huit lave-linge sur dix sont aujourd’hui dotés de cuves en plastique dans lesquelles sont moulés des roulements à billes. Lorsqu’ils ne fonctionnent plus, il n’y a pas d’autre solution que de changer ladite cuve. But de l’opération? Empêcher la réparation en la rendant impossible ou trop chère et forcer ainsi le client à jeter la machine en panne pour en racheter une autre!
Pour les téléviseurs, la durée de vie est de neuf ans en moyenne. Sur les écrans plasma ou LCD, c’est le plus souvent le condensateur qui lâche. Certains fabricants le placent en effet là où il chauffera le plus vite. Conséquence: il gonfle et finit par casser.
> L’obsolescence par incompatibilité touche surtout le secteur informatique, les logiciels notamment. Elle a pour objectif de rendre le produit inutilisable par le simple fait qu’il n’est plus compatible avec les versions ultérieures ou même celles d’un concurrent. Impossible, par exemple, de télécharger une nouvelle application sur un smartphone par manque de mémoire vive. Ne reste alors plus qu’à acheter un modèle plus récent.
> L’obsolescence par notification sévit particulièrement sur les imprimantes. Un avertissement indique qu’il faut changer la cartouche d’encre alors qu’il est encore possible d’imprimer des dizaines de feuilles!
Contrer la mort programmée
Prenant le problème au sérieux, plusieurs pays européens ont déjà envisagé des mesures contre ces pratiques. C’est le cas de la Belgique où le Sénat a voté, en décembre dernier, une «résolution en vue de lutter contre l’obsolescence programmée des produits liés à l’énergie». En Suisse, nos politiciens n’en sont pas encore là! Le Conseil national a en effet rejeté un postulat des Verts qui allait dans ce sens.
En attendant des jours meilleurs, les Helvètes peuvent refuser cette forme de consommation en réparant eux-mêmes leurs objets. Le site ifixit.com fournit gratuitement des conseils éclairés pour réparer les téléphones, Gameboy et autres articles conçus pour ne pas se laisser démonter. On peut aussi acheter des appareils de meilleure qualité ou qui visent à lutter contre l’obsolescence forcée. C’est le cas notamment de la société Why! qui propose des ordinateurs portables équipés de logiciels libres (lire l’article de notre partenaire Tout Compte Fait dans son édition d’août 2013).
Chantal Guyon