Chaque année en Suisse, 4000 femmes apprennent qu’elles sont atteintes d’un cancer du sein et 1500 autres décèdent de cette maladie. En l’état actuel de nos connaissances, seule la mammographie de dépistage, effectuée dans le cadre d’un programme organisé, permettrait de faire diminuer le taux de mortalité dû à cette affection.
En effet, si on ne connaît encore aucun moyen de prévenir cette forme de cancer, on sait en revanche qu’en détectant la tumeur à un stade précoce, on augmente les chances de guérison de la maladie. L’Angleterre et les Pays-Bas, qui appliquent le dépistage systématique depuis dix ans, ont ainsi obtenu une baisse de mortalité de 25%.
Projet abandonné
Convaincus par ces résultats, les membres de l’Union européenne ont tous démarré des programmes similaires. Si la Suisse faisait de même, environ 300 Helvètes seraient sauvées chaque année. Or, l’espoir de voir le dépistage systématique appliqué à l’échelle nationale s’est envolé depuis la parution, l’an dernier, d’une analyse danoise contestant l’efficacité de la mammographie.
A l’époque, les cantons de Vaud, de Genève et du Valais venaient de lancer un programme de dépistage systématique pour toutes les femmes entre 50 et 70 ans. Plusieurs cantons envisageaient de faire de même et la Conférence des directeurs cantonaux des affaires sanitaires poursuivait des négociations en vue d’unifier les actions sur le plan national.
Mais... malgré les nombreuses études prouvant les bénéfices du dépistage, les autorités ont suivi, sans autre forme de procès, les résultats de l’analyse danoise et ont décidé de geler leur projet. Du coup, la Fondation nationale pour le dépistage a fermé, après un an d’existence.
Relancer le débat
A l’heure actuelle, seuls le Jura, Neuchâtel et Fribourg ont encore l’intention de poursuivre un programme cantonal. Pourtant, la Ligue Suisse contre le cancer espère toujours un projet d’envergure nationale. Pour tenter de relancer le débat, des scientifiques suisses ont publié ce printemps une analyse critique de l’étude danoise dans le Bulletin des médecins suisses.
Point mort
Ces chercheurs confirmés démentent les arguments de leurs confrères et concluent à l’impossibilité de remettre en cause l’efficacité de la mammographie. Mais la Conférence des directeurs des affaires sanitaires reste de marbre. «La contre-expertise se contente de critiquer les erreurs des auteurs danois, mais elle ignore tous les points où ceux-ci avaient raison», relève son secrétaire général Franz Wyss, qui annonce que la réflexion ne reprendra que lorsque les résultats d’une seconde étude menée en ce moment par l’Université de Zurich, seront connus.
Pour que la mammographie systématique ait une chance de s’instaurer en Suisse, il est primordial que les Vaudoises, les Valaisannes et les Genevoises montrent l’exemple en répondant à l’invitation envoyée par leur fondation de dépistage respective. En effet, seul un fort taux de participation aux programmes existant déjà permettra d’obtenir des résultats significatifs et donc de prouver que le dépistage précoce est efficace et nécessaire.
Contrôle remboursé
Pour celles qui effectuent la mammographie chez leur gynécologue, sachez que si
le contrôle est effectué dans le cadre d’un programme cantonal ou national, il est remboursé hors franchise. Dans les cantons de Genève et du Valais, la quote-part de 10% est même offerte à la patiente. Sophie Pieren
bon à savoir
Quelques idées reçues
• L’auto-palpation suffit. La mammographie permet de détecter des tumeurs indécelables à la palpation et qui ne produisent aucun symptôme. Or, plus la tumeur est petite, plus les chances de guérison sont grandes. De plus, un cancer peu étendu peut être traité par une simple ablation de la tumeur sans qu’il soit nécessaire d’amputer le sein dans son entier. L’auto-palpation reste toutefois un examen d’appoint important entre deux mammographies.
• Le dépistage systématique inquiète les femmes saines pour rien. Fin 2000, la Fondation vaudoise pour le dépistage avait effectué 12 800 mammographies. Environ 600 femmes ont été rappelées pour des examens complémentaires. Parmi elles, 87 souffraient effectivement d’un cancer, mais 41% des tumeurs mesuraient moins d’un centimètre et n’auraient donc pas pu être repérées par simple palpation...
• La mammographie de dépistage expose la femme à des radiations ionisantes. C’est vrai, mais la dose de rayonnements à laquelle la femme est soumise pendant un contrôle équivaut à celle reçue pendant un aller-retour Genève-Sydney en avion...