Nicole Kohler a été très surprise lorsqu’elle a reçu la copie de la facture de son médecin, adressée à son assurance maladie. Et, surtout, par l’identité de l’expéditeur: Swisscom Health SA, filiale du géant de la téléphonie. «Est-ce une de leur nouvelle branche d’activité?», s’étonne cette lectrice vaudoise.
«Depuis les années 1990, Swisscom Health propose, avec le produit CuraBILL, une gestion complète des créances pour les médecins, laboratoires, thérapeutes et autres fournisseurs de prestations médicales», précise Aline Richon, porte-parole de l’entreprise.
Accès limité de swisscom
La société est ainsi mandatée, de longue date et dans toute la Suisse par des professionnels de la santé pour gérer leur processus d’encaissement à leur place. Ses prestations vont de la facturation au recouvrement, en passant par les relances.
Ce business ne signifie pas que le géant de la téléphonie a un accès illimité à la vie privée de tous ses clients. Swisscom n’est d’ailleurs ni la seule ni la première entreprise à proposer aux prestataires de santé de soulager leur administratif. Parmi les leaders du secteur, la Coopérative Caisse des Médecins offre des services équivalents depuis 1964 déjà.
La pratique est courante – et tout à fait légale – et impose heureusement certains garde-fous.
Profilage interdit, consentement obligatoire
Le médecin est tenu au respect du secret médical. S’il délègue l’encaissement de ses honoraires à des sociétés tierces, elles sont à leur tour tenues d’assurer strictement la confidentialité des données qui leur sont transmises et de ne les traiter que dans le cadre du mandat confié. Au risque, pour chacun des acteurs, de s’exposer à des sanctions pénales. Une communication de données sensibles entre services ou à des tiers, pour la publicité ou le profilage par exemple, est exclue.
Le thérapeute doit s’assurer que le patient a donné au préalable son consentement éclairé, si possible par écrit. Une obligation parfois oubliée. Ni la Caisse des Médecins ni Swisscom Heath, ne procèdent à une vérification systématique. Les deux organismes placent en effet le respect de ces formalités sous la responsabilité exclusive du prestataire de soins.
A noter que, si une entorse à la règle expose potentiellement le médecin à des sanctions, elle ne rend pas sa facture caduque pour autant.
Sociétés de recouvrement au tournant
Le risque existe, de voir certaines informations délicates transmises encore plus loin. En effet, en cas d’impayés, et si le prestataire de soins le demande, Swisscom Health passe la main à la société de recouvrement EOS Suisse SA. Et la Caisse des Médecins collabore avec plusieurs partenaires dont Inkasso Med SA, filiale d’Intrum. Avec pour conséquence désagréable de voir la facture s’alourdir de «frais d’intervention» parfois conséquents. Frais dont Bon à Savoir dénonce depuis longtemps le caractère abusif (lire «Les fameux frais 106 CO des sociétés de recouvrement»).
Les données transmises aux chasseurs de créances sont, en principe, restreintes (selon Intrum, uniquement le montant dû et l’identité du créancier initial). Mais elles peuvent en dire déjà trop sur le patient. Le simple fait de consulter un médecin est déjà couvert par le secret. Le patient devrait non seulement être clairement informé, dès le départ, de la possibilité de transmission aux sociétés de recouvrement, mais aussi y avoir consenti expressément.
Nos conseils: Le lien de confiance avec un thérapeute est primordial. Si vous n’êtes pas à l’aise avec la délégation de vos factures, discutez-en avec lui. Il reste libre, sauf cas d’urgence, d’imposer ce système ou de renoncer à vous suivre; mais il pourra peut-être identifier d’autres solutions. Privilégiez le dialogue si vous avez des difficultés à vous acquitter des honoraires et négociez un arrangement.
Silvia Diaz