Après la légendaire ponctualité des CFF, mise à mal depuis quelques années, voilà que c’est la qualité des renseignements qui semble avoir pris un coup dans l’aile. A l’heure des données tarifaires informatisées, le client n’imagine pas devoir vérifier si la somme déboursée pour son billet est exacte. Et pourtant, notre enquête, menée en collaboration avec l’émission On en parle de la Radio Suisse Romande, et avec la complicité de la direction des CFF, le montre: les prix indiqués varient parfois du simple au double!
Trois scénarios
Pour ce test, nous avons visité les sept principales gares romandes et appelé le numéro payant de RailService.
A chaque fois, trois scénarios de voyage précis ont été soumis aux employés des guichets. Des demandes pas forcément courantes, mais qui ne relèvent pas non plus du casse-tête:
>Le tour de Suisse: deux adultes, disposant de l’abonnement demi-tarif, veulent visiter le pays au départ
de Neuchâtel pour Bâle, Zurich, Stein-am-Rhein, Arbon, Zuoz, Locarno, Lucerne, Zermatt, Montreux et retour à Neuchâtel, en passant au moins une nuit dans chaque localité.
>La smala à Carcassonne: deux adultes, un jeune de 20 ans, un enfant de 9 ans et un chien, tous sans abonnement, voyagent de Lausanne à Carcassonne (aller-retour, départ le 19 juillet, retour le 3 août).
>Yverdon-Fribourg: un
adulte habitant à Yverdon et commençant un travail à 70% à Fribourg, sans aucun abonnement, va faire les trajets trois fois par semaine, prenant de temps en temps son vélo.
En se rendant aux guichets, les enquêteurs se sont mis dans la peau du client ignorant tout des possibilités CFF, et espéraient obtenir pour chaque question au moins deux propositions différentes.
Dans un premier temps, à peu près partout, ils ont été reçus avec sourire et bonne volonté. Du moins, tant qu’ils se contentaient de la première réponse fournie. Car l’agacement de l’employé les guettait au moment de s’enquérir d’une autre variante, ou quand la question se compliquait, par exemple au moment de préciser que le chien serait du voyage pour Carcassonne.
Diversité ahurissante
Quant à la diversité des réponses obtenues, elle est pour le moins ahurissante. Et cela tant pour les trajets que pour les tarifs proposés (voir tableau ci-dessous).
Exemples parlants pour le tour de Suisse:
-La gare de Sion a proposé le trajet idéal – un billet circulaire, sans la montée à Zermatt, plus un aller-retour pour cette localité, le tout pour 158 fr.
-A Lausanne, pour 1 fr. de plus, on nous a proposé un billet circulaire, y compris Zermatt, et un billet de bus entre Thusis et Bellinzone.
Mais, dès lors que le prix idéal communiqué par la direction des CFF s’élève à 180,50 fr., soit une vingtainne de francs de plus, on se demande de quel pays des merveilles sortent ces deux tarifs. Quant aux autres gares, où le client se serait vu facturer entre 10 et... 170 fr. de plus que le prix idéal, difficile de comprendre de telles marges d’erreur.
Deuxième proposition attendue pour le tour de Suisse: la carte mensuelle. Pour 350 fr., elle transforme un demi-tarif en abonnement général pendant un mois – intéressant en vacances, où on est plus enclin à prendre le bus ou le tram et à s’offrir quelques excursions. Mais à trois reprises, cette possibilité n’a même pas été évoquée, tandis qu’à Fribourg, c’est au contraire la seule proposition qui nous ait été faite!
Tarifs fluctuants
Pour Carcassonne, les différences relevées sont plus compréhensibles. En effet, le prix des réservations change d’un TGV à l’autre et les multiples offres de la SNCF permettent de combiner les réductions. C’est donc seulement le jour de l’achat du billet qu’on en connaît le tarif exact.
Cela d’autant que, selon la direction des CFF, la France s’est lancée dans un système à la sauce Easy Jet: plus on attend, plus c’est cher. Pourtant, personne ne nous a signalé l’existence de ce nouveau genre de fluctuations. Et quand des prix nous ont été donnés «sous réserve», il s’agissait seulement de rabais spéciaux pour lesquels le nombre de places est limité.
Quant à la variante économique sur ce trajet, là aussi, les montants indiqués sont fort divers: entre 716,50 fr. et 1003 fr.
Incompréhensible
Enfin, à Lausanne, notre travailleur yverdonnois a reçu des faux tarifs: 148 fr. pour l’abonnement mensuel, au lieu de 223 fr., et 46,80 fr. au lieu de 49,80 fr. pour la carte multicourses. Erreurs incompréhensibles pour un trajet si simple.
Quant au problème du vélo, il aurait dû amener les employés CFF à nous proposer des alternatives à l’abonnement mensuel. En effet, il en coûte 15 fr./jour pour voyager avec sa bicyclette et 10 fr./jour avec le demi-tarif, tandis qu’il existe un passe annuel à 195 fr., réservé aux seuls détenteurs d’un demi-tarif ou d’un abonnement général.
Du coup, au vu de l’économie possible sur une année, aussi bien sur les trajets du travailleur que pour embarquer son deux-roues, la solution «demi-tarif + cartes multicourses + Vélo Pass» aurait logiquement dû être indiquée. Or, aussi bien à Delémont que par le RailService, le demi-tarif n’a même pas été évoqué.
De même, nous attendions une comparaison de prix avec l’abonnement général qui, pour 265 fr./mois, permet de voyager sur l’ensemble du réseau CFF et les transports publics de la majeure partie des villes suisses. Possibilité pourtant indiquée uniquement aux guichets de Delémont et de Lausanne.
CFF perplexes
Interrogé sur ces résultats, Jean-Louis Scherz, porte-parole des CFF, reste perplexe. «Nous sommes peut-être victimes de la diversité de l’offre, qui permet de multiples combinaisons.»
Le voyageur doit aussi savoir que la politique des CFF n’est pas de donner toute la palette des prix possibles pour un voyage, mais celui qui semble le mieux adapté à sa demande (le plus rapide ou le moins cher). Et le site Internet www.cff.ch ne détaille pas l’ensemble des offres spéciales, abonnements et autres réductions. Difficile donc de se tenir au courant.
Il ne reste ainsi au voyageur qu’à s’informer sur les promotions, de potasser la documentation disponible, quitte à faire main basse sur tous les prospectus des présentoirs et à en demander d’autres. Et de discuter avec des habitués des transports ferroviaires, qui connaissent souvent les astuces permettant de voyager à meilleur compte.
Au moment de s’informer auprès des CFF, il ne faut donc pas hésiter à demander des alternatives. Alors, mieux vaut privilégier le bureau des renseignements, plutôt que s’adresser au guichet, dont la vocation première est surtout la vente des billets.
Toutefois, en cas de problème de prix, on peut toujours téléphoner au service après-vente des CFF (Echo Clientèle (0900 100 100). Et si le litige persiste, on peut encore faire appel à l’ombudsman de l’Union des transports publics pour la Suisse romande, Rose-Marie Ducrot*.
Jacqueline Favez
*R.-M. Ducrot, rte de Fruence, 1618 Châtel-St-Denis
[email protected]