«L’eau du robinet est trouble depuis plusieurs semaines et, parfois, de couleur brun-jaune. En plus, elle a une odeur métallique et laisse des résidus», s’inquiète Christine Charmant. Domiciliée à Bursins au-dessus de Rolle, cette lectrice s’interroge sur d’éventuelles conséquences sur sa santé et les appareils électro ménagers. Dans le voisinage, plusieurs ménages ont eu le même problème.
«De gros travaux ont lieu dans la région, cette année, pour rénover des installations obsolètes et raccorder six communes de l’Ouest rollois au même réseau», explique Thierry Cuénod, chef du Service intercommunal de distribution d’eau potable de Rolle et environs (Sidere).
Au total, plus de 23 millions seront investis, à moyen terme, pour construire de nouveaux réservoirs et optimiser l’approvisionnement sur La Côte. «Auparavant, chaque commune était autonome, avec le risque de manquer d’eau. Le but est de prioriser, sur l’année, les apports des sources par rapport à l’eau du lac», explique l’ingénieur.
Un verre d’eau rouillée
Or, selon la provenance de l’or bleu, ses propriétés se modifient (lire encadré). Cet été, pendant la mise en service progressive de la conduite principale desservant le nouveau réservoir de Bursins, la commune a ainsi été exclusivement approvisionnée par le lac, alors qu’elle était auparavant abreuvée d’eau de source calcaire.
Les canalisations récentes, en matière plastique, n’ont pas bronché. En revanche, dans les anciennes constructions équipées de conduites en fonte, l’eau du lac, plus douce – et donc plus agressive – a dissous la couche de calcaire, mettant la rouille à nu et troublant l’apparence de l’eau pendant plusieurs semaines.
Le problème a été résolu dès que les anciennes sources ont pris le relais. Il pourrait cependant ressurgir quand le chantier reprendra en octobre pour relier certaines communes à l’ouest de Rolle.
Information timide
«Il est difficile et délicat de traiter l’eau à brève échéance, juste pour la durée des travaux. D’importantes modifications techniques sont en effet nécessaires pour la rendre moins agressive», explique Eric Raetz, chef de l’Inspection des eaux pour le canton de Vaud. En revanche, le Sidere devra intervenir et procéder à ces modifications si le problème perdure en 2018, au-delà des travaux.
Pourquoi ne pas avoir averti les habitants à l’avance de ces désagréments? «Les fontainiers ont été eux-mêmes surpris de la rapidité du résultat, avoue Thierry Cuénod. Nous avons toutefois estimé qu’il était inutile d’inquiéter toute la population, seuls quelques anciens raccordements de maisons étant concernés.»
Sur le site internet de la commune de Bursins, une lettre du Sidere explique, certes, l’ampleur des travaux et leurs conséquences éventuelles. Une information un peu timide toutefois au vu des désagréments occasionnés chez certains.
Claire Houriet Rime
Lire le bonus web: Eau potable: quand l’or bleu vire au jaune
Le calcaire protège les conduites
La dureté de l’eau varie selon sa provenance. Sur les flancs calcaires du Jura, l’eau des sources est riche en calcium et en magnésium: elle est mi-dure à dure. Ces sels minéraux forment une couche protectrice dans les conduites et ce tartre les protège de la corrosion (lire «Eau courante: le mieux est l’ennemi du bien»).
En Valais et sur les bords du Léman, en revanche, l’eau est «douce». Elle contient peu de sels minéraux, ce qui, paradoxalement, la rend corrosive, car elle dissout la couche de tartre et met à nu la rouille qui tapisse les vieilles conduites. Si l’eau est colorée au retour de vacances ou le matin, on la laissera couler quelques instants jusqu’à ce qu’elle soit claire.
Lors des travaux entrepris cet été par le Sidere, le fait d’injecter de l’eau du lac (douce, donc corrosive) dans des localités irriguées jusqu’ici par de l’eau de source (dure, donc protectrice), a rompu l’équilibre calco-carbonique. Bien qu’il rende l’eau peu appétissante, le fer n’est toutefois pas nuisible à la santé. La norme de 0,2 mg/l est essentiellement fixée pour éviter les problèmes de goût et d’apparence.
A noter que les appareils électroménagers ne risquent rien dans un tel cas. S’il y a un doute, on s’adressera à son distributeur ou on fera analyser l’eau par un laboratoire agréé*.