Lorsqu’elles ont contracté le Covid, l’an passé, Christine et sa mère Joëlle (prénoms d’emprunt) ont été contraintes de contacter le 144 après l’aggravation de leurs symptômes. Le numéro d’urgence a dépêché une ambulance. «Ils ont embarqué ma maman le matin et m’ont dit que, si ça n’allait pas, de mon côté, il fallait que j’appelle de nouveau. C’est ce que j’ai fait l’après-midi», explique notre lectrice, retraitée, qui a passé onze jours à l’hôpital.
En comparant le coût des ambulances pour les deux interventions, Christine a été très surprise: la même journée, pour un trajet identique du Mont-sur-Lausanne jusqu’au CHUV, la première facture s’est montée à 437 fr. et la seconde à 662 fr. Soit 51% de plus!
Comment expliquer une telle différence? Elle est liée au système tarifaire des ambulances en vigueur dans le canton de Vaud: les interventions sont facturées sur la base de forfaits, qui incluent une heure et 30 km de trajet. Au-delà, un supplément de temps ou kilométrique (mais pas les deux) peut être facturé. La durée est calculée de l’alarme jusqu’à l’admission du patient à l’hôpital, alors que le kilométrage comprend le trajet total aller-retour.
Le matin en question, l’ambulance venait d’une compagnie établie à Forel, une localité proche de Lausanne. L’après-midi, le véhicule disponible le plus proche, appartenant à une autre société, se trouvait à Yverdon et est retourné, ensuite, à sa centrale de Payerne. Il a parcouru 88 km en tout, soit 58 km de plus que ce qui est inclus dans le forfait.
Le total comprend donc, dans les deux factures, un forfait P3 de 412 fr. (voir tableau) auxquels se sont ajoutés des suppléments en fonction des kilomètres parcourus.
Tarifs différents selon les cantons
Pour les patients, les factures d’ambulance ne sont pas toujours simples à comprendre. Le système tarifaire varie de surcroît d’un canton à l’autre (voir tableau), et il peut être complexe.
A Genève et à Neuchâtel, la facturation est simple. Elle se base sur des forfaits «tout inclus». Dans les cantons du Jura et de Vaud, des forfaits s’appliquent aussi, mais ils sont limités et leur dépassement induit des coûts supplémentaires. Enfin, en Valais, dans le Jura bernois et à Fribourg, les interventions sont facturées selon des taxes de base auxquelles s’ajoutent d’emblée des frais pour les kilomètres parcourus et l’équipage, par tranches de 15 minutes. Selon la longueur du trajet et la durée de l’intervention, mais aussi le moment (jours fériés, dimanches, nuits, qui engendrent des majorations) et le matériel utilisé (électrodes, oxygène, anesthésie, etc.), le prix peut prendre l’ascenseur.
A Fribourg, selon un calcul récent du journal La Gruyère, une intervention, un dimanche, depuis le village de Vuippens jusqu’à l’Hôpital cantonal (HFR) est susceptible de coûter plus de 2000 fr.
Dans le canton de Neuchâtel, en revanche, les factures ne dépasseront pas 950 fr. «Les ambulances ont négocié les tarifs selon un forfait complet. Il n’y a aucune limite de temps ou de distance et aucune indemnisation supplémentaire qui viendrait s’ajouter», précise Vincent Huguenin-Dumittan, chef de service au Département des finances et de la santé.
Assurance accidents ou maladie?
Un transport en ambulance peut coûter cher au patient… ou rien du tout. En Suisse, les personnes salariées sont obligatoirement assurées contre les accidents. «Tous les frais d’ambulance sont donc pris en charge par l’assurance accidents (LAA), pour autant qu’il s’agisse d’un accident – professionnel ou non – ou des conséquences d’une maladie professionnelle, et que l’utilisation de l’ambulance était proportionnée et faisait sens», précise Jean-Luc Alt, porte-parole de la SUVA. Il n’y a ni franchise ni quote-part à la charge de l’assuré (lire «Bureaucratie en pharmacie»).
Qu’en est-il lorsque l’ambulance intervient à la suite d’un infarctus, un AVC ou un choc anaphylactique? Il ne s’agit plus d’accident mais de maladie. C’est donc l’assurance-maladie de base (LAMal) qui entre en jeu, et la couverture est minimaliste: 50% des frais seulement sont pris en charge, avec un plafond annuel. En cas de «sauvetage», c’est-à-dire lors d’une urgence avec risque vital (Priorité 1), la couverture est plafonnée à 5000 fr. par année civile. Lorsqu’il s’agit d’un «transport» (Priorité 2 et Priorité 3), c’est-à-dire que l’ambulance est nécessaire, mais que la vie du patient n’est pas en danger, la participation annuelle de l’assureur est même limitée à 500 fr.
C’est très peu, et il ne faut pas oublier que la franchise et la quote-part s’appliquent. Avec une franchise non entamée à 2500 fr., l’assuré payera l’ambulance de sa poche.
A noter encore: lorsque le salarié travaille moins de huit heures par semaine pour le même employeur, les accidents non professionnels ne sont toutefois pas pris en charge par la LAA mais par la LAMal.
Les non-salariés passent à la caisse
Les personnes non-salariées, comme les femmes et les hommes au foyer, les enfants, les étudiants et les retraités, n’ont pas de couverture LAA. Ils doivent s’assurer contre les accidents dans le cadre de l’assurance-maladie obligatoire (LAMal). Leurs frais d’ambulance, que l’intervention soit due à une maladie ou un accident, ne sont donc pris en charge qu’à hauteur de 50% et plafonnés à 500 ou 5000 fr. par an avec application de la franchise et de la quote-part.
Pour les personnes à revenus modestes, les frais non remboursés peuvent être assumés par les prestations complémentaires AVS/AI. Certaines assurances complémentaires couvrent aussi les frais d’ambulance liés à un accident ou une maladie. «Le montant des prestations varie toutefois d’un produit à un autre et il faut en tenir compte lors de son choix, en particulier pour les frais d’ambulance liés à un accident. Cette option doit être inclue explicitement dans la police», relève Anna Ehrensperger, porte-parole d’Axa. Mais attention, quand il s’agit des complémentaires, ils n’ont aucune obligation d’admission et beaucoup d’entre eux refusent systématiquement les personnes considérées comme des «mauvais risques».
Sébastien Sautebin