Echanger des e-mails ou chatter avec ses amis, effectuer ses paiements et achats personnels sur le web, télécharger musique et jeux, rechercher un logement etc., pour plus d’un employé, l’utilisation privée de l’internet durant les heures de travail est devenu chose courante.
Une étude réalisée en 2003 par la société Securalis auprès des entreprises françaises révèle ainsi que, en moyenne, chaque collaborateur passe 34 minutes par jour à l’utilisation non professionnelle du réseau. Soit un jour et demi par mois et presqu’un mois de travail (18 jours) par an! 40% des employés sont même en ligne de manière extraprofessionnelle 70 minutes par jour!
Ont-ils le droit de le faire? Leur employeur peut-il les surveiller? Le point en cinq questions.
1. Un employeur peut-il
limiter ou interdire l’utilisation des moyens de communication à titre privé?
Oui. Comme le rappelle le Préposé fédéral à la protection des données*, il a le droit d’établir des directives dans ce sens (art. 321 du Code des obligations), par exemple dans un règlement interne d’utilisation de l’internet (comme pour le téléphone d’ailleurs). Il peut aussi bloquer l’accès à certains types de sites (Bourse, jeux, pages roses, etc.). Autre possibilité, recommandée par les spécialistes: définir des plages horaires, pendant les pauses ou en dehors des heures de bureau, durant
lesquelles le surf privé est
autorisé.
2. Pourquoi imposer de telles limites d’utilisation?
Outre des raisons de manque de productivité évidente – qui surfe beaucoup, travaille peu – des règles d’utilisation servent surtout à prévenir des risques plus graves pour l’entreprise, dont notamment:
• celui d’être tenu pour coresponsable en cas d’utilisation illicite du net par un collaborateur (par exemple harcèlement moral ou sexuel par e-mail, piratage, activités pornographiques, etc.) au moyen d’un ordinateur de l’entreprise;
• des problèmes de sécurité (p.ex. virus) et d’ordre technique (pannes suite au téléchargement de logiciels, de musique, surcharge du réseau, etc.).
3. Un patron peut-il surveiller les e-mails privés d’un employé et son emploi du web?
Il est interdit à un employeur de lire des messages signalés comme étant privés ou n’étant pas clairement identifiables comme professionnels. Cela vaut même si l’usage privé du net est interdit dans l’entreprise.
Toutefois, l’employeur peut examiner les fichiers journaux des systèmes informatiques pour vérifier si l’interdiction ou la restriction de l’utilisation du courrier électronique et de l’internet sont respectées. Mais cela seulement sporadiquement (p.ex. une fois par mois) et sur une période limitée (p.ex. la dernière semaine du mois). Chaque activité est en effet automatiquement enregistrée sur ces fichiers journaux: il est donc aisé de savoir à qui un collaborateur envoie régulièrement des messages et quels sont ses sites favoris.
Cette surveillance n’est permise que si elle est stipulée clairement dans le règlement interne. Et elle doit d’abord être effectuée sur une base anonyme. Le contrôle personnel n’est autorisé qu’en cas de soupçon d’abus. L’employé qui pense avoir été contrôlé de manière illicite peut, de son côté, déposer une plainte civile contre son employeur pour violation de la personnalité.
4. Qu’entend-on par abus?
Toute violation du règlement d’utilisation. Mais même sans directives internes, et si l’emploi privé de l’internet est autorisé par l’entreprise, il peut y avoir abus. C’est le cas, par exemple, de l’employé qui surfe longuement durant le travail. Car il enfreint son devoir de loyauté (défendre les intérêts de son entreprise) vis-à-vis de son employeur et contrevient au principe de la proportionnalité (trop de temps passé en ligne). De même, la multiplication de téléchargements inutiles au travail et qui bloquent l’ordinateur du collaborateur, voire provoquent des pannes, peut être considérée comme un abus.
5. Quelles sanctions risque-t-on en cas d’abus?
Qu’il ait causé un dommage par négligence ou intentionnellement, l’employé devra en répondre (art. 321e CO). Parmi les sanctions possibles: l’avertissement, le blocage de l’accès à l’internet, le paiement de dommages et intérêts, la réduction de salaire. En cas d’abus extrême, comme une utilisation répétée du web provoquant des pannes malgré un avertissement, ou en cas de délit établi, l’employeur peut même licencier la personne prise en flagrant délit (art. 335 CO).
Mais avant d’en arriver à de telles extrémités, mieux vaut tenter la discussion avec le collaborateur, en l’avertissant des sanctions encourues si la situation devait se reproduire.
Ellen Weigand
*Dossier complet et modèle de règlement d’utilisation de l’internet sous: www.edsb.ch