Oubliez le couteau suisse, le nouvel accessoire indispensable pour surmonter tous les écueils, c’est une police d’assurance. Aujourd’hui, il en existe pour à peu près tous les aspects de la vie – elle-même pouvant faire l’objet d’un contrat. Et, pour celui qui voudrait se couvrir davantage encore, une pléthore de protections juridiques privées promettent de régler presque tous ses soucis. Mais si ce soutien tous azimuts rassure, est-ce qu’il assure?
1 / «Il fallait y penser avant»
Qui songerait à souscrire une protection juridique quand tout va bien? En effet, ce n’est généralement qu’une fois englué dans les tracas que l’utilité d’une assistance se fait sentir. Mauvais réflexe! Car la plupart des assurances privées imposent un temps d’attente, appelé «délai de carence», qui définit la durée pendant laquelle aucune prestation ne sera fournie après la conclusion du contrat. Conséquence: les cas annoncés au cours de cette période – qui peut être de plusieurs mois – ne seront pas assurés. Ainsi, l’infortuné qui comptait sur le soutien de sa protection juridique contractée dans l’urgence risque fort de déchanter. Car, si le litige survient pendant le délai de carence ou avant la date de conclusion de sa police, il ne sera pas pris en compte.
2 / «Hors liste!»
Une fois passé le délai de carence, encore faut-il que le cas litigieux soit couvert. A cet égard, la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) contraint uniquement l’assureur à informer le client des cas susceptibles d’être pris en charge avant la conclusion du contrat (art. 3 LCA). Au-delà de ce devoir général d’information, c’est le principe de la liberté contractuelle qui s’applique. L’assureur peut donc librement fixer l’étendue de la couverture en prévoyant, par exemple, une liste d’exclusions plus ou moins détaillée dans ses conditions générales (CG). Si certains cas d’exclusion sont limpides, d’autres relèvent plutôt de l’interprétation subjective de la compagnie.
3 / «Perdu d’avance…»
Dans les CG des protections juridiques, on trouve parfois une clause qui fait, elle aussi, la part belle à l’interprétation: elle concerne les cas dénués de chance de succès. Par cette formulation aussi lapidaire que vague, l’assureur se réserve le droit de ne pas entrer en matière sur les litiges pour lesquels toute démarche lui paraît vouée à l’échec. Au-delà de la notion très subjective des chances de succès se pose le problème de la partialité de la compagnie. Car, comme c’est elle qui juge l’opportunité de couvrir le sinistre, elle a tout intérêt à déclarer la cause comme étant perdue d’avance. En insérant une telle clause dans ses CG, la protection juridique se ménage ainsi une véritable porte de sortie pour refuser les cas trop coûteux ou encombrants.
Certaines proposent à leurs assurés de prendre les frais à leur charge et si, finalement, ils devaient obtenir gain de cause dans un combat estimé «dépourvu de chances de succès», la prise en charge aurait lieu a posteriori. A ce stade on frise l’hypocrisie.
4 / «Schizophrénie»
Le cas semble pour le moment isolé, mais pourrait se développer: en août dernier, le Groupe Mutuel a conclu un accord avec Assista TCS pour renforcer sa protection juridique lancée l’année dernière. Concrètement, cette entente se traduit par une collaboration pour ce qui est de la couverture du risque d’assurance et la gestion des sinistres. L’histoire ne dit en revanche rien des conflits d’intérêts susceptibles de survenir si un client de cette protection juridique la saisit d’un litige qui l’oppose… à la caisse maladie.
5 / «Trop, c’est trop!»
Et quand bien même son affaire serait prise en considération, l’assuré n’est pas au bout de ses peines. Car, en aval de la prise en charge du cas, une ultime épée de Damoclès l’attend: celle de la résiliation sur sinistre. Présente dans de nombreuses polices, cette petite clause sibylline permet à l’assureur de mettre fin au contrat s’il estime avoir dû trop souvent intervenir. Autrement dit, un litige signalé «en trop» à sa compagnie d’assurance et vous risquez de vous voir exclu pour «sinistralité trop élevée». Sinistre, non?
Pour être bien renseigné – à défaut d’être bien assuré – mieux vaut donc être attentif aux tout petits caractères des conditions générales avant de souscrire une police d’assurance privée ou une protection juridique.
Kim Vallon