Estelle*, la cinquantaine, ne parvient pas à se remettre de son divorce. Lorsque l’agence matrimoniale Le Bonheur est au rendez-vous lui laisse entrevoir la possibilité de retrouver un partenaire, elle se laisse tenter: elle signe un contrat de trois ans, paie 500 fr. cash et contracte un emprunt à un taux d’intérêt de 10% pour le reste de la somme exigée (3000 fr.). Un an plus tard, la désillusion est totale. On ne lui a proposé que deux rencontres, qu’elle a écartées d’emblée car les hommes ne lui correspondaient pas du tout.
Estelle, qui a le sentiment qu’on a profité de son état de détresse, décide donc de résilier son contrat et de réclamer la totalité de la somme engagée. L’agence rétorque à sa cliente qu’elle appartient à une tranche d’âge difficile, qu’elle est pénalisée parce qu’elle ne dispose pas de voiture… et parce qu’elle est propriétaire de son logement (sous-entendu: elle ne déménagera pas facilement). Le Bonheur est au rendez-vous accepte finalement de restituer 1500 fr., soit moins de la moitié de la somme prévue par le contrat.
L’agence ne répond plus
Histoire encore plus sombre pour Roland*, 34 ans, qui a été hospitalisé deux fois en 1999 pour dépression. Au début 2000, il voit son état s’améliorer, mais il n’est pas en mesure de reprendre une activité professionnelle. Il répond à une petite annonce de l’agence L’Atout cœur, signe un contrat et paie 3200 fr. cash! La santé de Roland reste toutefois fragile et l’agence propose à son client de suspendre le mandat (qui sera prolongé d’autant) jusqu’à ce que sa situation se stabilise.
Réflexion faite, notre lecteur préfère rompre le contrat et exiger la restitution de la somme versée, après déduction des frais. Ceux-ci ne devraient pas être très élevés, estime Roland dans son courrier recommandé, puisqu’il n’a reçu qu’une proposition de rencontre, avec une fille qui n’était pas disponible et avait demandé à être rayée du fichier. Mais aussi bien la lettre recommandée, que les coups de fil successifs restent sans réponse. Les fax adressés à l’agence ne passent pas.
Renseignements pris à Swisscom, L’Atout cœur a résilié ses numéros de téléphone et fax sans suite. Et, en tous les cas, sans en informer Roland!
Nos lecteurs ont les deux l’impression qu’on a abusé d’eux alors qu’ils traversaient une période difficile de leur vie. Mais au-delà du drame personnel, le service juridique de Bon à Savoir a constaté que les contrats des deux agences concernées étaient parfaitement illégaux! Depuis le 1er janvier 2000, le Code civil comprend en effet de nouvelles dispositions sur le «mandat visant à la conclusion d’un mariage ou à l’établissement d’un partenariat» (voir encadré).
Contrats nuls
En omettant, par exemple, de signaler le droit de révocation en tout temps (par écrit), les contrats se trouvent entachés de nullité. Nos deux lecteurs peuvent donc demander leur annulation et la restitution intégrale des sommes versées.
L’agence persiste
Le Bonheur est au rendez-vous reconnaît que son contrat «n’est pas aux normes 2001» et prévoit d’y adjoindre un avenant. Mais l’agence ne semble pas réaliser que son accord avec Estelle est nul: elle persiste à facturer 1500 fr. de frais. Elle se défend par ailleurs d’avoir abusé de la situation de détresse de sa cliente, estimant avoir fait tout son possible pour lui proposer des rencontres. L’Atout cœur, pour sa part, a rétabli sa ligne suite à une lettre de Bon à Savoir la questionnant sur ses pratiques. Elle n’entre pas en matière sur un quelconque remboursement.
Nos lecteurs sont prêts à faire valoir leurs droits en justice. Suzanne Pasquier
*Prénoms d’emprunt.
nouvelle loi
Meilleure protection
Depuis le 1er janvier 2000, le Code civil fixe le contenu d’un contrat de mandat conclu entre une agence matrimoniale (mandataire) et son client (mandant). Le contrat est nul dès que l’un des éléments suivants fait défaut:
- Le nombre et la nature des prestations que l’agence s’engage à fournir, ainsi que le montant de la rémunération et des frais correspondant à chaque prestation, notamment les frais d’inscription.
- Le droit du client de résilier le contrat par écrit dans les sept jours après la signature.
- L’interdiction pour l’agence d’accepter un paiement avant l’échéance du délai de sept jours.
- Le droit du client de révoquer par écrit le contrat en tout temps, moyennant paiement d’une indemnité appropriée s’il le fait en temps inopportun (par exemple lorsque l’agence vient d’obtenir pour lui une série de rencontres).