Sept ans! Il aura fallu pas moins de sept ans à nos autorités pour décider… de ne pas entrer en matière sur plusieurs modifications de la Loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs (LHID). Elles concernaient toutes la délicate question du report de l’impôt sur les gains immobiliers. Car on le sait: le bénéfice réalisé sur la vente d’une maison est taxé par le fisc, mais très différemment d’un canton à l’autre (voir tableau ci-contre).
Or, un propriétaire qui liquide sa villa, mais réinvestit le produit de la vente dans sa nouvelle demeure principale, bénéficie d’un report de cette taxation. Exemple: le couple Martin a acheté, en avril 1990, une villa à Servion (VD) pour 500 000 fr. Quinze ans plus tard, il la revend 800 000 fr. Le fisc va lui permettre de déduire les dépenses ayant apporté une plus-value (100 000 fr.) et va donc, normalement, imposer le gain de 200 000 fr. Dans le canton de Vaud, cela représente une taxe de 14 000 fr. Mais, comme les Martin achètent une nouvelle demeure à Bienne (BE), pour un montant de 850 000 fr., l’imposition est reportée.
Nous avons bien écrit: reportée, et non annulée! Voilà pourquoi, lorsque les Martin vont, en avril 2012, vendre leur maison biennoise pour la somme de 950 000 fr., le fisc vaudois est venu réclamer son dû (14 000 fr.), tandis que les autorités bernoises ont taxé le nouveau gain de 100 000 fr. sur sept ans et demandé, à cette fin, la bagatelle de 25 243 fr.
Un moindre mal
Au total, les Martin auront donc versé 39 243 fr. sur leurs gains immobiliers. Mais ils s’en tirent bien! Si les modifications de la LHID avaient passé la rampe, ils auraient, en effet, payé 69 807 fr., soit 30 564 fr. de plus. Pourquoi? Parce que cinq ans après la vente de leur première maison, l’imposition des gains – report inclus – aurait entièrement passé dans les mains bernoises, nettement moins généreuses. Inutile de préciser que l’inverse est vrai aussi: si les Martin – devenus Müller pour la circonstance – avaient eu leur première maison à Bienne et déménagé à Servion, ils auraient évidemment regretté que le projet de modifications n’ait pas été accepté…
Or, si ce dernier a finalement échoué, c’est parce qu’il portait principalement sur la méthode utilisée pour l’imposition, notamment lorsque le report n’est que partiel. En revanche, dans son rapport aux Chambres*, le Conseil fédéral était plutôt favorable à l’introduction du délai de cinq ans. Il n’est donc pas exclu que ce point précis revienne un jour d’actualité.
Dilemme
Du coup, les propriétaires qui déménagent dans un autre canton sont en droit de se demander s’il faut, oui ou non, réclamer ce report. Et ils en ont la possibilité, même si la loi ne le dit pas spécifiquement. En effet, le Conseil fédéral* a rappelé que le report n’est accordé que si le contribuable prouve l’acquisition d’une habitation de remplacement à l’autorité de taxation; s’il ne le fait pas, il paiera la totalité de l’imposition.
Pour les Müller, la réponse coule de source: ils ne prennent aucun risque en reportant l’impôt. Les Martin, en revanche, doivent prendre un pari sur l’avenir et sont face à un dilemme.
Christian Chevrolet
Bonus web:impôt sur les gains immobiliers
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.