A 35 ans, Martin Eling, professeur de l’université de Saint-Gall, est devenu le champion des études chocs censées sauver la Suisse du désastre programmé de son système de prévoyance professionnelle. Selon sa dernière étude, il va manquer, d’ici à 2030, pas moins de 100 milliards de francs pour endiguer les déficits de l’AVS et du 2e pilier, que devront inévitablement payer les jeunes pour couvrir les besoins «démesurés» de leurs aînés. Donc une seule solution: travailler plus longtemps (trois ans) et baisser le niveau des rentes (taux de conversion à 5,8% au lieu des 6,4% refusés en mars 2010 par 72% de la population).
Puisque c’est la fin de l’année, qu’il me soit permis d’avouer que ce genre de raisonnement m'irrite. Rappelons les deux principes majeurs de notre retraite: les rentes de l’AVS doivent couvrir les besoins vitaux (art. 11 de la Constitution fédérale), et, conjuguée à la prévoyance professionnelle (2e pilier), maintenir le niveau de vie antérieure (art. 113).
Les propositions de Martin Eling ne vont pas dans ce sens. Personne, bien sûr, ne nie qu’avec l’allongement de la durée de vie, la question du financement de nos retraites doit être revue. Mais de grâce, qu’on nous évite ces études construites sur des chiffres sélectionnés pour leur faire dire ce qu’on veut et, surtout, qu’on admette qu’il y peut-être d’autres solutions que celles piétinant les fondements solidaires.
M. Eling pourrait, par exemple, se demander si une hausse des cotisations ne serait pas préférable à la paupérisation que ces recommandations vont engendrer. Mais il est vrai qu’ainsi, il provoquerait l’indignation des milieux économiques à moitié concernés (les primes sont paritaires). Je maintiens pourtant cette piste, en guise de résolution pour 2013.
Christian Chevrolet