Pour les établissements bancaires helvétiques, tous les clients sont égaux. Certes, mais, depuis que notre pays est dans le collimateur des fiscs européens, les Suisses domiciliés en dehors des frontières nationales sont un peu moins égaux que les autres… Les banques invoquent – à juste titre – une augmentation considérable de la paperasse et des contrôles toujours plus serrés exigés par les pays limitrophes pour prélever à leur clientèle des frais importants, voire exorbitants dans certains cas.
Ce changement de pratique, Alexandra Walther et Etienne Boisset l’ont vécu très abruptement. A la naissance de leur petite Océane, ils ont ouvert un compte épargne jeunesse dans une succursale de la Raiffeisen de leur commune vaudoise. Quelques années plus tard, ils déménagent à Bonneville, en France voisine, tout en gardant le compte actif, le but étant de laisser la possibilité aux grands-parents de continuer à l’alimenter. Or, au lendemain de Noël, la succursale de Mont-Aubert Orbe les informe que, dorénavant, elle leur prélèvera des «frais de gestion spécifiques pour les comptes de (sa) clientèle à l’étranger». Montant de cette «spécificité»: 240 fr., ce qui multiplie par cinq les frais de tenue de compte et représente le dixième des avoirs qu’ils ont déposés!
Raiffeisen revient en arrière
Les parents d’Océane décident alors de transférer le petit pécule accumulé sur un livret en France, tout en s’apercevant que la Raiffeisen a bel et bien prélevé sa dîme au passage.
Scandalisé, le couple écrit à la banque, faisant notamment remarquer qu’il n’a reçu qu'un ou deux courriers en deux ans. «De quelle gestion voulez-vous parler?» s’insurge-t-il. La banque lui répond alors que ces taxes sont forfaitaires et que, de plus, elles ne couvriraient pas la totalité des frais générés globalement par leurs clients domiciliés à l’étranger. Autrement dit, elle leur fait déjà un cadeau. En fin de compte, les 240 fr. seront toutefois restitués, «compte tenu de la spécificité du compte (épargne jeunesse)», précise la Raiffeisen.
Tarifs dissuasifs
En 2012, le surveillant des prix publiait un tableau de 14 banques appliquant des frais supplémentaires à leurs clients résidant en dehors des frontières nationales, partiellement repris ci-dessous. Il n’a pas encore été actualisé pour 2013, mais il s’avère que la liste s’est allongée, incluant notamment la Raiffeisen et PostFinance. Les frais annuels s’échelonnent de 48 fr. (Banque Cantonale du Jura) à 1000 fr. pour son homologue glaronnaise, voire, théoriquement, jusqu’à 1200 fr. à la Banque Valiant pour les personnes ayant eu le mauvais goût de s’expatrier aux Etats-Unis.
A de tels niveaux, on peut légitimement douter que ces «frais» correspondent à une prestation quelconque. Lorsque la Banque Cantonale de Glaris prélève 1000 fr. supplémentaires pour ses clients domiciliés à l’étranger ou que Credit Suisse augmente la facture à 480 fr., sauf pour les déposants millionnaires, on ne peut s’empêcher de penser que le but, non avoué, est de décourager une catégorie de clients.
Philippe Chevalier
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.